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des salaires ; car désormais la guerre du bon marché est déclarée entre la main-d’œuvre européenne et la main-d’œuvre américaine et asiatique.

Mais sans se perdre ni dans de vastes considérations ni dans des détails minutieux, on doit reconnaître que les Américains, peu soucieux des théories et des doctrines libérales, qu’ils renient ouvertement dans la question commerciale, n’ont souci que de leurs intérêts. Ils croient atteindre ainsi un but fixe, logique et utile à la grandeur et à la richesse de leur pays. Pouvaient-ils ou devaient-ils suivre une autre route que la route protectionniste ? On ne saurait l’affirmer. Du reste, les faits et les résultats sont là ; les Américains ont victorieusement traversé leurs dernières crises ; la même génération qui aura subi une guerre terrible et contracté une immense dette nationale la verra presque entièrement soldée et liquidée avant de disparaître dans la tombe.

La situation des États-Unis, ces enfans gâtés de la Providence, est excellente et très simple ; leur intérêt semble évident ; les Américains, toutes choses compensées, se croient obligés d’être protectionnistes. La protection, chez eux, doit donc passer pour l’atout et pour la carte forcée.


II

En Angleterre, nous constatons une prospérité semblable, mais un ensemble de doctrines et une ligne de conduite radicalement inverses. La situation de l’empire britannique est de tous points l’opposé de celle des États-Unis, mais elle est de même parfaitement simple, évidente et nette.

L’Angleterre contient et fait vivre le double environ des habitans que son sol est susceptible de nourrir, Devant ce résultat remarquable, on ne saurait trop louer les combinaisons économiques, politiques et sociales de la Grande-Bretagne, car les Anglais ont trouvé le moyen de faire subsister par des importations de l’extérieur la moitié de la population anglaise, ou, si l’on veut, de faire subsister la totalité de cette population pendant six mois avec les produits naturels indigènes du pays et pendant six autres mois avec les produits alimentaires importés de l’étranger.

Pour rendre plus frappante la différence qui existe entre les États-Unis et l’Angleterre (et les autres états européens à un moindre degré), on peut affirmer sans exagération, qu’aux États-Unis il y a plusieurs places et deux pains pour chaque habitant, tandis qu’en Angleterre il y a toujours deux individus pour se disputer chaque