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transitoirement au moins, un système différent qui donne d’égales satisfactions et exige des sacrifices égaux de tout le monde, afin que personne ne puisse se plaindre d’être spécialement et injustement sacrifié.

En face d’un état de choses aussi complexe et contradictoire, notre législation douanière ne peut éviter d’être marquée du même caractère de complexité et de contradiction. Évidemment, au milieu de cette confusion, un seul principe surnage, auquel chacun peut se rattacher, c’est celui de l’égalité dans un sens ou dans l’autre. Aussi, dans le jeu de la France, au sujet du régime douanier, c’est l’égalité qui reste seule l’atout et la carte forcée.


IV

Des trois constatations qui précèdent ne semble-t-il pas résulter que ni le libre échange, ni la protection ne sont un principe absolu ou une doctrine irrécusable ? La législation douanière n’apparaît alors aux yeux non prévenus que comme une affaire purement contingente, et le législateur restera libre, selon les contrées, les temps et les circonstances, d’être tantôt libre-échangiste, tantôt protectionniste.

La critique ne doit-elle pas s’exercer encore sur une autre affirmation qu’on a voulu établir comme un axiome et nous imposer avec toutes ses conséquences pratiques ? C’est l’affirmation des avantages de la supériorité permanente de l’importation sur l’exportation. La doctrine à établir sur ce sujet est d’une grande importance pour l’ensemble de la direction qui sera imprimée à notre législation douanière.

Sans prendre la défense du système mercantile, ni de la balance du commerce, dont on s’est beaucoup moqué, ne peut-on pas demander si tout est absolument inexact et faux dans cette vieille chimère ?

La doctrine actuelle dans l’espèce est-elle plus inattaquable, plus claire ou plus concluante ? Pendant longtemps, les maîtres de la science nous ont répété à l’envi que la supériorité de l’importation sur l’exportation, c’est-à-dire le fait d’acheter plus qu’on ne vend, était le signe, l’instrument et le gage certains de la richesse publique. Ceux qui protestaient ou qui posaient avec étonnement de gros points d’interrogation, comme nous l’avons fait il y quelques années, rencontraient peu d’approbateurs. N’y avait-il pourtant pas là un pur mystère imposé gratuitement à la foi des adeptes ? Voici comment le problème se présente à nos yeux : premièrement,