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de l’ardeur de son ambition, elle n’ait recouru sans scrupule, pour s’emparer de Louis XIV, à tous les moyens que lui présentait la sorcellerie d’alors. Vous ne l’eussiez pas persuadée de faire gras en carême, mais elle fut bien capable de croire, quand elle fut à son tour maîtresse en titre, que les messes de Guibourg et les poudres de la Voisin avaient été l’instrument de sa haute fortune.

C’est ici l’une des parties les plus neuves du livre que nous suivons, quand l’histoire de Mme de Montespan vient s’entremêler à l’histoire de La Vallière, et de telle sorte que pendant six ans il va devenir impossible de les séparer l’une de l’autre.

Le 2 octobre 1666, à Vincennes, tandis que Louis XIV, à Paris, visitait dans la rue Quincampoix une manufacture de point de France. La Vallière était accouchée d’une fille, qui fut depuis Mlle de Blois et plus tard la princesse de Conti. Cette enfant fut légitimée par lettres patentes du 13 mai 1667. Dans cet acte fameux, tous les historiens ont vu deux choses, le signe irrécusable de la plus haute faveur de Louise de La Vallière, créée par le même acte duchesse de Vaujours, et la preuve que désormais aucune contrainte n’arrêtera plus Louis XIV. Or c’est une double erreur, et M. Lair va nous le prouver.

« Certes, dit très bien M. Lair, on ne peut pas présenter comme une œuvre édifiante la légitimation d’un enfant naturel, né d’un commerce adultérin, » mais encore faut-il être juste et ne pas reprocher si durement à Louis XIV ce que l’on passe, d’une autre part, si facilement au Béarnais. Et parce qu’aucun Saint-Simon ne s’est rencontré pour déclamer contre les légitimations d’Henri IV, ce n’est peut-être pas une raison qui suffise pour sourire indulgemment aux fredaines du vert galant, tandis qu’on empruntera toute l’indignation de l’auteur des Mémoires pour flétrir les scandaleux désordres de Louis XIV. Lorsque naquit César de Vendôme, Henri IV était marié, comme Louis XIV, et la mère, Gabrielle d’Estrées, était mariée, comme Mme de Montespan. Il est vrai qu’Henri IV fit, sans plus de façons, ce que n’osa pas faire Louis XIV : il déclara, lui, savoir de bonne source que le mariage de Gabrielle avec le sire de Liancourt était nul et de nul effet. Saint-Simon a beau dire ; l’origine des enfans de Louis XIV et de Mme de Montespan n’a rien de plus horrible ni de plus inouï que celle des doubles bâtards d’Henri IV. L’une et l’autre se valent. Si c’était des enfans de Mme de Montespan qu’il s’agissait ici, je croirais de voir insister plus fortement et marquer qu’en aucun cas Louis XIV n’a fait enregistrer de lettres de légitimation qui fussent ornées d’un préambule aussi parfaitement cynique, et l’on dirait presque railleur, que le préambule des lettres de légitimation de César de Vendôme. « N’ayant pas d’enfant de la reine notre épouse, y dit Henri IV, en substance, pour être séparée de nous depuis dix ans, » nous avons cru qu’il importait à l’état d’avoir un enfant de notre sang ; à fin de quoi nous