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aventure en marque l’apogée, c’est au contraire le déclin qu’elle en signale.

Elle essaya de se défendre. Peines perdues ! Non pas certes que Louis XIV fût en amour ni plus dur, ni plus égoïste qu’un autre homme. Il ressemblait à tout le monde. Ce ne sont pas seulement les femmes qui, selon le mot célèbre, quand elles n’aiment plus, « oublient jusqu’aux faveurs que l’on a reçues d’elles, » ce sont les hommes comme les femmes, et ce fut Louis XIV comme tout homme. On prétend que quelqu’un lui fit entendre que l’enfant qui venait de naître, et qui fut depuis le comte de Vermandois, n’était pas de lui, et qu’il faillit le croire. Toujours est-il qu’il tarda plus d’un an à le reconnaître et qu’à lire cette fois la sécheresse du préambule, il semble qu’il ne s’y résolut que d’assez mauvaise grâce. Mme de Montespan triomphait. On a dit et répété qu’une fois bien assurée que l’amour du roi s’était éloigné d’elle, et sans retour, Mme de La Vallière eût dû comprendre qu’il était de sa dignité de quitter la place et, dès lors, fuyant la cour, s’ensevelir dans la retraite. Les philosophes sont admirables. Ils savent, en pareil cas et autres semblables, ce que commande la dignité de chacun ; seulement, comme on ne voit pas que d’aventure leurs leçons soient à leur usage, il est permis de n’y pas donner trop d’attention. Il est beau, mais il est rare de voir la dignité marcher de par avec l’amour, et les amours de ce monde commencent en général par une démission de la dignité même de l’un ou de l’autre des deux amans et quelquefois de tous les deux. Mais outre qu’un vain reste d’espoir et la cruelle douceur de se souvenir retenait La Vallière à la cour, le sort de son fils, encore à régler, l’y attachait, et quand ce sort fut une fois réglé, ce fut son propre sort, si précaire, qu’elle n’eut même pas pu disposer de sa terre de Vaujours, et quand ce sort fut assuré par les ordres de Louis XIV à Colbert, alors ce fut un autre incident qui survint.

Nous laisserons à d’autres le soin de préciser quel rôle joua dans toutes ces affaires le marquis de Montespan. Les uns l’ont fort mal traité, comme un homme assez aise, au total, de voir la fortune entrer dans sa famille, et qui n’aurait compromis ses chances que faute de savoir s’y prendre. Les autres, dont M. Lair, estiment qu’il n’épargna rien pour sauver son honneur conjugal et rentrer en possession de sa femme. Ce qui est certain, c’est qu’on le trouva gênant. Il se plaignait, il clabaudait, il venait jusque chez le roi « chanter pouilles » à Mme de Montausier, « dont elle mourut imbécile, » ce sont les termes de Saint-Simon ; ou bien encore, du fond de sa province, il annonçait officiellement la mort de Mme de Montespan, lui faisait faire de pompeuses funérailles, affectait d’en porter le deuil, et, quoi qu’il fît, embarrassait très fort le roi, comme la nouvelle favorite. Ni l’une n’osait trop ouvertement afficher sa faveur, ni l’autre, comme on dira bientôt, déclarer