Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien qu’involontaire que semblent occupés depuis quelques semaines un certain nombre de zélés royalistes.

Les affaires des conservateurs étaient visiblement trop prospères, et la république aurait peut-être pu en souffrir ! Les nouveaux ultras de la légitimité ne l’entendaient pas ainsi. Ils se sont empressés de prendre les ordres de M. le comte de Chambord pour les élections prochaines, et ils sont entrés bruyamment en campagne dans leurs journaux, dans des conférences, avec des comités organisés tout exprès pour transmettre de toutes parts les instructions du prince, ils ont commencé par tenter de s’emparer des Chefs du clergé, des influences religieuses en se présentant comme les défenseurs naturels et privilégiés de l’église, en s’efforçant de renouer la vieille alliance du trône et de l’autel. Première déception ! ils n’ont pas trop réussi ; ils ont rencontré une certaine résistance dans une partie du clergé, qui ne veut pas se laisser absorber, qui ne croit pas bien utile de compromettre la cause religieuse dans une alliance avec la cause de la légitimité, et cette attitude réservée du clergé français répond visiblement aux vues de prudente modération du pape Léon XIII. Maintenant les nouveaux ultras ne visent à rien moins qu’à imposer aux conservateurs de toutes les nuances leurs mots d’ordre, leurs tactiques et leurs idées, à prendre la direction de la campagne électorale dans l’Intérêt de la restauration de la royauté traditionnelle, qui ne peut manquer de sortir de la prochaine manifestation du suffrage universel. Ils se chargent de distribuer les brevets de candidature et de juger l’orthodoxie de ceux qui se proposent de briguer les honneurs parlementaires. Pas de transactions, pas de compromis avec ces conservateurs douteux qui ne sont que de semi-libéraux, avec les modérés religieux et politiques ! il faut marcher pour le roi, par les ordres du roi !

Vainement les hommes sensés et éclairés s’efforcent de faire observer à ces fougueux restaurateurs de la royauté que les choses ne marchent pas pourtant toujours ainsi, qu’on ne peut pas se passer d’alliés dans une affaire aussi grave que le rétablissement de la monarchie, que la France n’aime pas plus les exagérations de la droite que les exagérations de la gauche, que, dans tous les cas, une restauration ne pourrait être que le résultat d’une transaction, un concordat garantissant les droits de la nation en même temps que les prérogatives de la royauté ; vainement les politiques habiles du parti parlent ainsi : ils ne peuvent rien, ils ne sont pas écoutés ! les ultras ont leurs idées ; tout ce qui n’est pas avec eux est contre eux. Ils sont aussi intolérans, aussi exclusifs aujourd’hui qu’ils le seraient s’ils étaient au pouvoir. Ils ne s’aperçoivent pas qu’avec cette politique ils se mettent en rupture ouverte avec toutes les réalités contemporaines et ils vont droit à l’impuissance par la confusion, par la division des forces qu’ils se flattent