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Dès son arrivée au pouvoir, Richelieu avait cherché des alliances contre la maison d’Autriche ; l’état misérable où l’Allemagne était réduite occupait son esprit : les premières négociations de Charnacé émurent assez l’empereur pour que Richelieu se crût obligé de le rassurer. M. de Sabran, envoyé par Louis XIII à Vienne, fut chargé de dire aux ministres de l’empereur que M. de Charnacé n’était allé en Allemagne que « pour faire entendre à quelques princes d’Allemagne alliés de cette couronne les justes et sincères intentions du roy en son voyage d’Italie. » (Écrit au camp devant Alais, 15 juin 1629). Ce fut peu de temps après que Richelieu commença sérieusement à susciter le roi de Suède contre l’empire. Il avait essayé du roi de Danemark, et l’avait un peu soutenu dans sa lutte en faveur du prince palatin contre l’empereur et contre l’Espagne ; mais il trouva ce « pauvre prince si lâche de cœur, que, se contentant de ravoir le sien et de ne rien payer de ce qui lui était demandé pour les frais de la guerre, il reçut ces conditions-là, abandonnant tous ses alliés. » (Mémoires de Richelieu.) Pendant la guerre d’Italie, Richelieu ne perd pas de vue le roi de Suède ; il écrit à Toiras : « Le roy de Suède a quarante-cinq mille hommes de pied et dix mille chevaux, et va entrer en Allemagne » (20 mai 1630.) C’est dans les lettres au père Joseph que se révèlent les desseins de Richelieu ; il veut bien soutenir Gustave-Adolphe, mais il ne désire point nuire aux intérêts catholiques ; voici le langage qu’il veut que ses agens tiennent aux électeurs :

« Qu’il est vray qu’il ne peut supporter l’usurpation de l’Espagne ; mais qu’il n’a aucune jalousie contre la juste grandeur de l’empire. Sa majesté estime que le vray bien de l’Allemagne est qu’elle soit possédée et gouvernée par les Allemands, et que les Espagnols n’y ayent point le pied. En un mot, elle est dans les mêmes sentimens que la Bavière et la ligue catholique…. Vous laisserez espérance au duc de Bavière que s’il se fait une bonne paix entre l’empereur et la France, sur le sujet d’Italie, le roi s’emploiera volontiers par ses offices envers le roy de Suède, pour le porter à se contenter de la raison : mais il se faut bien donner garde d’en rien mettre dans le traité. Vous leur ferez aussi entendre le zeîle que le roy a à la religion et qu’il n’a alliance avec les Hollandois que pour s’opposer aux injustes desseins des Espagnols qui sont préjudiciables à eux et à toute la chrétienté. » (Août 1630.)

On voit ici la vraie pensée de Richelieu, sa pensée de derrière la tête. Gustave-Adolphe ne doit être pour lui qu’un instrument ; mais il compte bien l’empêcher de rien faire contre l’église ou contre les princes catholiques. Il espère le jeter sur les états héréditaires de l’Autriche ; il va jusqu’à lui montrer au loin, par-delà la Silésie,