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entretenir une armée de 30,000 fantassins et de 6,000 chevaux ; le roi de France lui donnait un subside annuel de 400,000 écus, payable à Paris ou à Amsterdam ; le traité spécifiait que, dans les places que le roi de Suède pourrait conquérir en Allemagne, il ne pourrait changer l’état de la religion catholique romaine ou autre. L’alliance était conclue pour cinq ans. Gustave-Adolphe fit immédiatement imprimer et répandre le traité, bien que Charnacé voulût le tenir quelque temps secret.

La campagne de 1631 justifia les espérances que Richelieu avait fondées sur le roi de Suède : celui-ci imposa son alliance à l’électeur de Brandebourg et à l’électeur de Saxe et se trouva le maître de toute l’Allemagne. Tilly avait en vain jeté l’épouvante dans tous les états protestans par le traitement qu’il avait infligé à la ville de Magdebourg. Le sac et l’incendie de Magdebourg avaient été punis par la bataille de Leipzig. La grande victoire de Gustave-Adolphe sur les plus vaillans capitaines de l’empire, sur Pappenheim et sur Tilly, portèrent au comble la gloire du roi de Suède. Dans le Soldat suédois, Spanheim fait dire au roi avant la bataille « qu’il allait frotter joyeusement une couronne royale et deux bonnets électoraux contre la carcasse d’un vil caporal. » Il avait dit à ses officiers avant le combat : « Vous avez déjà souvent dit en plaisantant que vous gagneriez bien vite le ciel sous mon commandement, mais jamais la richesse. J’avoue que cela est vrai jusqu’à présent. Nous avons traversé des pays déserts, dévastés, et d’ailleurs amis, où nous ne pouvions pas songer à nous enrichir. Mais dorénavant vous pourrez conquérir les biens temporels en même temps que les biens spirituels ; car, après la victoire, outre le butin que vous trouverez dans le camp de l’ennemi, vous arriverez sans peine dans ces états des prêtres, où je veux vous récompenser généreusement de vos peines et de vos travaux. »

Gustave-Adolphe, montrant à ses soldats les électorats ecclésiastiques, ne rappelle-t-il pas le général Bonaparte menant son armée déguenillée en Italie ? La bataille de Leipzig fît pousser des cris de joie aux protestans dans toute l’Europe. « Si Gustave-Adolphe, dit M. Charvériat, n’avait eu d’autre but que de sauver le protestantisme en Allemagne, il aurait dû marcher sur Vienne après sa victoire de Leipzig. Pour l’arrêter, en effet, l’empereur aurait certainement rapporté l’édit de restitution qu’il avait déjà renoncé à exécuter contre la Saxe. Mais cette tâche une fois accomplie, le roi aurait été obligé de retourner en Suède sans aucun profit que la gloire, car on n’aurait plus eu besoin de lui en Allemagne ; sa présence y serait devenue à charge, et, s’il avait voulu garder quelques provinces, les protestans, après avoir obtenu par lui ce qu’ils