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punir Nuremberg, mais il dut lever le siège de cette ville. « Je vois bien, s’écria-t-il, que le bonheur ne veut plus de moi. » Le 18 décembre, par un froid très vif, Gustave-Adolphe passa le Rhin, et il fit de suite capituler Mayence. Mannheim fut enlevé par le duc Bernard de Saxe-Weimar ; Spire, Worms, se donnèrent au roi. Pendant ce temps, les Saxons faisaient campagne en Bohême et, dès le 11 novembre, ils étaient entrés dans Prague. Le roi de Suède et ses alliés étaient les maîtres de plus de la moitié de l’Allemagne.

Gustave-Adolphe était devenu, après une seule campagne, l’arbitre de l’Europe. Il tint sa cour à Francfort ou à Mayence pendant l’hiver de 1631 à 1632. Le ; roi de France lui avait envoyé le marquis de Brézé ; Richelieu écrivait à l’électeur de Mayence, à propos de cette ambassade : « Monsieur, le désir que le roy a de procurer le soulagement de messieurs les électeurs catholiques fait qu’il ne s’est pas contenté d’envoyer depuis huit jours un gentilhomme au roy de Suède, mais qu’il y envoie de nouveau le marquis de Brézé, mon beau-frère… » M. de Brézé était chargé de défendre les intérêts des électeurs catholiques.

Richelieu commençait aussi à s’inquiéter pour la Bavière. Par un traité qui devait demeurer secret, spécialement à l’égard de la Suède et de l’Autriche[1], le cardinal avait garanti à Maximilien de Bavière ses états héréditaires et lui promettait des secours dans le cas où il serait attaqué. Au mois de novembre 1631, il avait envoyé Charnacé à Munich, pour le presser de faire avec le roi de Suède, déjà victorieux, un traité de neutralité pour lui-même et pour la ligne. Il voulait ainsi détourner les coups des Suédois des parties catholiques, de l’Allemagne. Il s’offrait à faire respecter ce traité de neutralité au besoin par les armes de la France.

Maximilien hésita : l’idée de traiter avec l’envahisseur protestant lui semblait une trahison envers l’empereur et envers l’église catholique. Pourtant, s’il ne traitait pas, il succomberait comme tous les autres électeurs ; la ligue catholique était un faisceau sans force. Les évêques de Wurzbourg, de Worms, d’Osnabruck, les électeurs de Cologne, de Mayence, tous furent d’avis qu’il fallait tenter de conjurer les colères du Suédois. Le roi de France fit sonder Gustave-Adolphe : on savait qu’il n’avait encore accordé la neutralité à personne. M. de l’Isle était à Mayence le 1er janvier 1632, et il entretint le roi de Suède du désir qu’avait Louis XIII d’épargner les électeurs et princes catholiques d’Allemagne. Charnacé arriva quelques jours après pour obtenir la signature de Gustave-Adolphe, mais

  1. Ce traité fut signé le 8 mai 1631, à Munich, et par le roi de France, le 30 mai, à Fontainebleau.