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Naturel, mais exactement aussi onéreux pour les uns que profitable pour les autres, ce qui n’étonnera personne.

Le droit généralement réclamé serait de 3 ou 4 francs par 4hectolitre, adoptons ces chiffres. La France produisant plus de 100 millions d’hectolitres de blé dans les bonnes années et environ 70 millions dans les mauvaises l’augmentation du prix de vente qui résulterait du droit de douane à 3 ou A francs par hectolitre, donnerait à l’agriculture (les deux cinquièmes de consommation et de semences déduits) un bénéfice annuel variant de 240 millions à 165 millions de francs sans compter les avantages qu’elle retirerait des droits fiscaux ou protecteurs imposés à d’autres produits : mettons 300 ou 400 millions de francs comme desideratum normal.

Il y a énormément à dire à ce propos ; quelques remarques suffiront ici. D’abord, quelle sera la hausse provoquée par le droit protecteur de 4 francs ? Sera-ce 2 ou 3 ou 4 francs par hectolitre ? Les avis sont partagés ; car sur ce point, les expériences ne sont pas concluantes et le doute subsiste. Une chose semble certaine, quoi qu’en disent certains théoriciens, c’est qu’un droit imprimera toujours un mouvement de hausse notable au prix des céréales. La théorie de l’origine des prix nous paraît confuse. Le prix résulte-t-il d’une moyenne compensée entre l’abondance et la rareté du produit, entre l’offre et la demande, ou bien est-ce une question de majorité inconsciente ? C’est-à-dire la baisse s’établit-elle au plus bas cours possible lorsque les belles récoltes sont en majorité sensible et la hausse monte-t-elle au cours le plus élevé quand les mauvaises récoltes se montrent de beaucoup les plus nombreuses ? On pourrait avancer que la minorité est forcée de suivre en profits ou en pertes les cours donnés par la majorité ; mais il est plus probable que les prix sont la résultante de plusieurs influences diverses dont la science ne donne encore, croyons-nous, ni une analyse ni une démonstration irréfragables. Du reste, la question théorique, qu’il appartient à d’autres de résoudre, dépasse le cadre de cette étude.

Toutefois, relevons encore ici une contradiction ou une simple inadvertance. Le renchérissement factice et la surélévation du prix des subsistances est le grand argument invoqué de toutes parts contre les droits sur les importations des denrées alimentaires et des matières premières.

Néanmoins, M. le ministre de l’agriculture et du commerce vient, le 2 avril 1881, affirmer à la tribune que « les importations et les exportations n’influent pas sur les prix des denrées alimentaires. La hausse et la baisse des prix tiennent à d’autres causes. » A laquelle de ces théories contraires faut-il se rattacher ?

En tous cas, soit que les droits de l’importation influent plus ou