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40 millions, dont une fraction seulement intéressera le producteur de blé, est absolument insuffisant, et que nous ne voyons pas comment on pourrait arriver ainsi à satisfaire efficacement aux exigences de la situation. M. Joigneaux, député de la Côte-d’Or, se montre formellement du même avis[1].

Le dégrèvement sur les sucres touche plus directement les producteurs et fabricans qu’il vise ; les 160 millions leur profitent réellement, tandis qu’à l’ensemble des innombrables producteurs de blé, des centaines de fois plus nombreux, le dégrèvement de M. Léon Say n’apporte que 40 millions de boni, c’est-à-dire moins du tiers.

Au contraire, le droit de douane ne fît-il que surélever de 2 francs le prix du blé, c’est 120, 160 ou 200 millions de francs qui entrent directement et immédiatement dans la poche des producteurs de blé, qui, sur un rendement de 15 hectolitres, toucheraient ainsi 20 francs comme moyenne par hectare, au lieu des 0 fr. 81 justement signalés par M. de Dampierre. Et encore l’agriculture ne se trouverait-elle pas dans une position brillante. Avec les dégrèvemens, même considérables, la situation ne serait pas meilleure ; toutefois, la cause de la protection douanière paraissant perdue à la suite du vote récent des chambres, il ne reste plus d’espoir que dans le système des dégrèvemens largement appliqué, grâce auquel l’agriculture française pourrait affronter des luttes nouvelles tout en maintenant le pain et le blé à bon marché.

La propriété foncière acquitte l’impôt sous diverses formes, on peut donc la dégrever sur plusieurs points. Dans un intéressant rapport présenté à la Société des agriculteurs de France (séance du 30 avril 1880), M. le comte de Luçay signale l’exagération des charges publiques supportées par les agriculteurs. L’impôt s’élève à 637 millions sur 1,905 millions de revenu net annuel attribué à la propriété foncière rurale par l’enquête de 1869. Un tiers du revenu serait donc absorbé par le fisc, et il resterait encore à solder les intérêts d’une lourde dette hypothécaire et tous les impôts indirects.

M. P. Leroy-Beaulieu estime que le prélèvement au profit de l’état, des départemens et des communes sur le revenu foncier ne doit être évalué qu’à 23 pour 100, près du quart[2]. L’éloquence de ces chiffres est incontestable. Pour adoucir par ce moyen la crise agricole, sans la conjurer toutefois, pour donner à l’agriculture une compensation admissible, il faudrait arriver au moins à un dégrèvement dont l’ensemble approcherait de la somme de 400 millions,

  1. La Gazette du village.
  2. Economiste français du 17 juillet 1880.