Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/659

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

artistes satisfait, reprendre tous ses droits. Cette fois les choix du jury devaient être sévères ; et par suite la cause de l’art semblait s’identifier à la mission de l’état.

L’administration actuelle n’a point envisagé de la même manière la solution du problème. Elle n’a pas cru possibles les expositions simultanées ; elle les a voulues d’abord successives, et elle a demandé au conseil supérieur des beaux-arts de lui donner son avis. Après quelques hésitations, il a engagé le ministre à confier aux artistes la gestion libre et entière du Salon de cette année. Cela était juste, car le privilège de l’état est intact, mais il s’agissait d’expérimenter si les peintres, les sculpteurs, les architectes pourraient s’entendre, s’organiser et faire, comme on dit, leurs propres affaires. On sait comment un arrêté ministériel convoqua tous les artistes à nommer des mandataires chargés de procéder, d’accord avec l’administration, à l’organisation du Salon. On comité de quatre-vingt-dix membres fut élu et, le jour où il se réunit pour la première fois, le sous-secrétaire d’état des beaux-arts, après avoir constaté la validité du vote et confirmé les pouvoirs des délégués, leur indiqua avec précision quelles conditions ils avaient à remplir pour s’acquitter de leur mandat : ils devaient avant tout former une société, constituer un capital, rédiger un règlement. A vrai dire, les membres du comité n’avaient point songé qu’ils dussent remplir des formalités aussi graves. En général, ils avaient cru qu’ils étaient appelés à prêter à l’administration un concours plus étendu que par le passé. Mais, après avoir réfléchi qu’ils avaient été commis spécialement en vue du Salon et qu’ils ne pourraient exercer les capacités légales nécessaires à l’accomplissement de leur mandat que sous les conditions qui venaient de leur être spécifiées, écartant d’ailleurs toute intention d’engager l’avenir, sans avoir la prétention de rien fonder, décidés à poursuivre à leurs risques et périls l’essai qu’il leur était demandé de faire et s’interdisant de profiter en rien des bénéfices qu’il pourrait donner, ils acceptèrent la situation et entreprirent l’œuvre qui en ce moment suit son cours.

A tout considérer, le seul avantage qui doive résulter d’une pareille expérience sera de montrer que les artistes étaient capables de la mener à bien ; et pour eux, au moins, c’est quelque chose. Quant à la question d’une véritable exposition des artistes par les artistes, il faut qu’elle-attende encore sa solution. Logiquement, une exhibition de cette nature devrait être ouverte à tous, car un comité ne peut être issu du suffrage universel pour appliquer à ses commettons un régime de restriction. De quel droit, en effet, mesurer et peut-être interdire à des confrères, qui vous