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ont confié leurs intérêts, précisément ce qui leur importe davantage : la publicité ? Il est possible que les esprits les plus généreux ne soient pas encore préparés au règne de cette équité sans bornes. De même aussi, croyons-nous, les juges les plus autorisés auraient peine à s’entendre pour composer l’un de ces Salons restreints que réclament si justement les esprits délicats. Aussi longtemps qu’il n’y aura pas une exposition libre, il sera difficile de réaliser un Salon comprenant un petit nombre d’ouvrages d’un mérite incontesté. Les réclamations seraient infinies. Nous sommes encore voués aux compromis, et il faut du temps pour faire la part des choses.

Dans le monde, on croyait que les artistes seraient animés d’un grand esprit d’innovation. Ils avaient souvent critiqué l’administration ; ils feraient, pensait-on, tout différemment d’elle. Cependant, substitués qu’ils étaient en son lieu et place, cela n’était pas en leur pouvoir. On comptait sur des dispositions imprévues et, par elles-mêmes, de nature à piquer la curiosité. C’était de beaucoup diminuer la question. D’ailleurs la nature de la situation interdisait de rien livrer au hasard. Le comité avait avant tout envers les artistes et envers le public un devoir impérieux : celui de ne pas laisser interrompre la suite des expositions annuelles. L’année 1881 a donc la sienne. Mais désormais c’est une institution qui est en marche vers la liberté : rien ne l’arrêtera dans cette voie. Il n’y a plus qu’une nouveauté qui soit désirable aujourd’hui : c’est un Salon très choisi, un véritable Salon d’état. Ce n’est donc pas aux artistes, comme on le voulait, c’est à l’administration qu’il appartient d’innover. Elle semble décidée à le faire ; peut-être sera-ce l’année prochaine. En tout cas, elle a formellement réservé ses droits. En attendant, c’est justice de reconnaître qu’elle n’a pas cessé de prêter à la nouvelle société le concours le plus efficace, non pas au moyen d’une subvention, comme on l’a dit, mais en aplanissant toutes les difficultés qui pouvaient entraver les débuts de l’entreprise. De plus, on voit qu’elle se propose d’intervenir dans le Salon, aussi bien pour faire des acquisitions que pour encourager au moyen de prix et de bourses de voyage les jeunes artistes qui donnent le plus d’espérances. L’état n’abandonne donc pas sa tâche, et par là on peut déjà reconnaître que, s’il y a deux intérêts distincts, ils ne sont pas opposés, et que liberté et protection sont des élémens qui, lorsqu’ils s’associent et se complètent, établissent une règle d’harmonie dans le monde des arts.

Telles sont les conditions dans lesquelles le Salon de cette année s’est organisé et tel est son caractère. Il s’est ouvert sans retard et sans secousse. Son premier aspect montre qu’il continue