Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 45.djvu/663

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voudrions, les projets des grands édifices qui s’élèvent à Paris et ailleurs avec les ressources et sous le contrôle de la Direction des bâtimens civils. Nous le regrettons, car nous sommes persuadés que si, par exemple, les dessins d’après lesquels on construit le nouveau Muséum d’histoire naturelle étaient mis sous les yeux du public, ils auraient, au point de vue du grand style et du caractère qui les distinguent, l’importance d’un enseignement. Néanmoins, telle qu’elle est, l’exposition des architectes est très intéressante. L’artiste, le savant, l’homme du monde trouvent à s’y satisfaire. L’actualité n’y fait pas défaut, et l’on ne saurait voir certaines compositions sans qu’aussitôt plusieurs d’entre les plus importantes questions qui préoccupent aujourd’hui le pays et les pouvoirs publics, ne sollicitent la réflexion. Malheureusement on regarde à peine cette exposition qui, cependant, présente tant d’attraits divers. Les visiteurs n’y sont pas nombreux. De temps en temps on voit des personnes que le hasard y conduit s’arrêter sur le seuil des salles, jeter sur les murs couverts de dessins un regard circonspect et s’éloigner doucement. Cela est fâcheux, et l’on se demande quelle est la raison de cette froideur. On a peine à comprendre que l’on reste indifférent à ces dessins si clairs qui, dans leurs tracés, contiennent l’œuvre architectonique tout entière ; qui, tout à la fois, la résument et la détaillent et qui permettent de la discuter. De pareils travaux s’adressent à tout le monde. Une maison bien appropriée à la condition et aux besoins de ceux qui l’habitent ; une école d’aspect avenant, pleine d’air et de lumière, où l’enfant étudie dans le calme et prend ses récréations en pleine sécurité ; un théâtre qui s’annonce avec grâce et dans lequel tout le monde est convenablement placé ; un édifice religieux qui, par ses dispositions et sa décoration, inspire le recueillement ; un palais de justice plein de gravité, et tant d’autres édifices dont la nomenclature lasserait, sont des œuvres d’architecture dont nous sommes appelés, chaque jour, à sentir, à comprendre, à proclamer les mérites. En général, tout ce que crée l’architecture, habitations privées ou édifices publics, répond à nos nécessités, satisfait à nos convenances et au besoin instinctif que nous avons d’ajouter aux choses qui sont à notre usage la parure et l’expression. Comment donc ces beaux dessins qui nous présentent dans des conditions choisies et souvent avec d’heureuses nouveautés ces demeures, témoins, abris, refuges de notre vie, ces palais où nos institutions ont leur siège, comment sont-ils ainsi dédaignés ? Il nous semble en démêler au moins une cause : au Salon, l’architecture n’est pas suffisamment montrée pour ce qu’elle est. On dirait qu’en la rangeant on a manqué de confiance en elle, qu’on a pensé qu’elle