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est la plus riche, et il n’a peut-être pas tort s’il entend par là celle où l’aisance est le plus répandue et où se rencontrent le plus, sinon de grandes, du moins de moyennes fortunes. Mais quelques chiffres vont montrer que le nombre des pauvres proprement dits, c’est-à-dire de ceux qui vivent de la charité publique, n’est pas plus considérable à Londres qu’à Paris et que, chez nos voisins, un singulier changement s’est opéré depuis qu’il y a un peu plus de trente ans M. Léon Faucher écrivait ici même ses tristes descriptions des quartiers pauvres de Londres. En France, tout le monde est resté sur le souvenir de ces études, et les Anglais eux-mêmes, toujours soucieux des imperfections de leur état social, n’ont pas mis en lumière les progrès réalisés par eux autant peut-être qu’ils auraient eu le droit de le faire.

Pour établir les chiffres comparatifs du paupérisme à Londres autrefois et aujourd’hui, il n’est pas possible de remonter jusqu’au temps où Léon Faucher préparait ses travaux. Le périmètre de la ville de Londres s’est depuis lors agrandi de plusieurs paroisses qui n’y étaient pas encore comprises, ce qui ôterait toute justesse à la comparaison. Le point de départ le plus lointain qu’il soit possible de prendre est l’année 1861. En cette année, la population de la ville de Londres s’élevait à 2,802,367 habitans et le nombre des indigens à 103,936. La somme dépensée en secours publics cette même année s’élevait à 832,153 livres sterling. Franchissons maintenant une période de dix années. La population s’est augmentée ; elle atteint 3,254,260 habitans, mais le chiffre des indigens a augmenté aussi, il atteint 166,928. Il est vrai que cette année 1871 fut par tous pays une année spécialement calamiteuse, le contre-coup de la guerre s’étant fait sentir dans toute l’Europe. Aussi la diminution du paupérisme va-t-elle être rapide. Trois ans après, en 1874, le chiffre des indigens n’est plus que de 118,366. En 1879, il ne dépasse pas 98,679. Enfin, en 1880, il se relève à 105,998, ce qui, pour une population de 3,254,260, donne une proportion de 3.07 indigens sur 100 habitans[1]. Encore faut-il tenir compte de ce fait que le dernier recensement de la population de Londres date de 1871 et qu’il n’est pas téméraire d’en évaluer maintenant le total ; d’après l’augmentation normale et constante, à 3,500,000. On se souvient que nous avons constaté à Paris un chiure de 151,000 indigens pour une population d’environ 2 millions d’habitans. A supposer même que j’aie eu tort de comprendre les nécessiteux momentanément secourus au nombre des indigens habituels et qu’il faille s’en tenir aux indigens inscrits sur les contrôles des bureaux de bienfaisance, on

  1. Ce chiffre comprend à la fois ceux qui sont admis au workhouse (in-door-relief) et ceux qui reçoivent des secours au dehors (out-door-relief).