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troisième de l’établissement d’un Lycée national, et le quatrième de l’éducation de l’héritier présomptif de la couronne.

À première vue, cette division ne paraît pas très heureuse, et de fait il s’en faut qu’elle soit rationnelle. Que vient faire là, par exemple, la question de l’héritier présomptif ? Mirabeau semble avoir attaché beaucoup d’importance à cet objet. À ses yeux, le dauphin n’était plus le fils du roi ; c’était « l’enfant de la nation » à qui seule devait désormais appartenir le droit de diriger une si précieuse éducation. L’Académie nationale sera donc a chargée, — ce sont les termes mêmes, — de dresser un plan d’études, » lequel après avoir été adopté par le corps législatif, sera « présenté à l’acceptation royale. » Après quoi le roi « choisira tous les instituteurs de l’héritier présomptif sur une liste de présentation également faite par l’Académie nationale. » Enfin le prince sera tenu de suivre régulièrement le cours d’une école publique. Il y sera tenu ; le projet ne dit pas, et c’est vraiment heureux, sous quelle peine.

Ce singulier hors-d’œuvre est de beaucoup la partie la plus faible du travail de Mirabeau. On n’y sent pas sa marque ordinaire ; tout y est petit et mesquin ; on dirait déjà du Robespierre. Pour le retrouver tout entier, c’est aux chapitres de l’organisation de l’instruction publique et de l’établissement d’un lycée national qu’il faut aller. Non qu’il n’y ait encore là beaucoup à reprendre, beaucoup d’idées fausses et mal venues exprimées dans une langue qui manque souvent de précision. Il ne faut jamais avec Mirabeau s’attendre à rien de complet ni d’achevé. Il jetait sa pensée comme sa parole, un peu au hasard, même quand il improvisait, la plume à la main. De là de grandes inégalités dans le fond comme dans la forme. Mais, à côté de ces défauts, quelle largeur et quelle netteté de vues !

L’idée fondamentale du projet de Mirabeau, c’est la liberté. Dans une société bien ordonnée, dit-il à plusieurs reprises, l’enseignement devrait être abandonné « à l’industrie des maîtres et à l’émulation des élèves, » le législateur « n’avoir à s’occuper de l’éducation que pour en protéger les progrès. » Conséquemment, l’assemblée nationale devrait borner sa tâche « à soustraire l’enseignement à des pouvoirs ou à des corps qui peuvent en dépraver l’influence. » Mais, — le correctif arrive aussitôt, — « dans les circonstances actuelles, si l’éducation n’était pas dirigée d’après des vues nationales, il pourrait en résulter plusieurs inconvéniens graves et menaçans pour la liberté. » D’où la nécessité d’un plan « qui enchaîne les instituteurs et s’empare de l’esprit de la jeunesse. »

L’assemblée nationale élaborera donc un projet d’organisation de l’enseignement public. C’est à elle de « constituer les écoles qui seront entretenues et encouragées par la nation et de déterminer le