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jours après sous une forme adoucie. Il n’était plus question, dans ce nouveau projet, ni des filles, ni de l’obligation pour les parens d’envoyer leurs enfans mâles dans les « maisons d’égalité ; » la faculté seulement leur en était laissée. Toutefois, ce ne fut pas encore la rédaction de la commission qui prévalut : après un vif débat auquel Danton prit une part importante, on. finit par se mettre d’accord sur, cet article, unique :

« La convention décrète[1] qu’il y aura des établissemens nationaux où les enfans des citoyens seront élevés et entretenus en commun, et que les familles qui voudront conserver leurs enfans dans la maison paternelle auront la faculté de les envoyer recevoir l’instruction publique, dans des classes instituées à cet effet. »

Le projet de Romme. — La discussion de l’essai de Lepelletier trahissait déjà beaucoup d’inexpérience et un grand désordre d’idées ; cependant elle n’avait pas été sans éclat. Les membres les plus en vue de la convention y avaient pris une part active. La période qui suit n’offre à l’histoire qu’une succession de projets incohérens et de débats aussi pauvres de forme que de fond. C’est l’époque des grandes sottises en même temps que des grands crimes. L’extravagance est à l’ordre du jour. Les Bazire et les Chabot. ont succédé aux Mirabeau et aux Talleyrand, et la tribune retentit de leurs divagations. La convention n’est plus qu’un grand club, où Les déclamations les plus violentes, les motions les plus saugrenues sont seules accueillies avec quelque faveur. Le mot de Coffinhal à Lavoisier caractérise bien ce triste moment. L’illustre chimiste avait demandé la parole : « Tais-toi, lui cria, ce malheureux, la république n’a pas besoin de chimiste. » Détruire. toutes les supériorités, toutes les aristocraties, « celles des philosophes et des savans[2] » comme les autres et mettre à la place « la démocratie des sans-culottes, » tel est en effet le fond de la doctrine jacobine, le but avoué de ses efforts. Après le roi, les prêtres et les nobles, elle s’attaque aux sciences, aux lettres, à l’art, et les décrète à leur tour ; leurs plus illustres représentans vont grossir la liste des suspects.

Le tableau de cette phase de l’histoire de l’instruction publique pendant la révolution dépasserait de beaucoup les bornes que nous nous sommes assignées, et serait d’ailleurs sans grand intérêt. Qu’importe à la postérité l’opinion d’un Raffron ou d’un Couppé ? Les inepties de si minces personnages ne valent pas qu’on les tire

  1. Est-il besoin de dire que ce décret tout platonique ne reçut pas même un commencement d’exécution ? Voté le 13 août 1793, il fut rapporté le 19 octobre de la même année.
  2. Le mot est de l’ex-capucin Chabot.