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accumulation et écoulement extérieur de la sève. Si un bourgeon sur une tige ou une tige sur un tronc sont artificiellement remplacés, que ces remplacemens soient faits en reproduisant parfaitement les conditions de contact et de juxtaposition, les choses se passeront exactement de même ; la sève montera par l’intérieur du bois dans la nouvelle tige, se frayant un passage d’un bois à l’autre, rétablissant la continuité des vaisseaux et cicatrisant leur section. Un second travail plus complet, la soudure, sera opéré par la sève descendante, qui fournira aux fibres ligneuses qui s’allongent le cambium nécessaire à leur nourriture. Le liber, également nourri par le cambium, recouvrira extérieurement les coupes et accomplira ainsi le travail ébauché par la sève ascendante.

Les principes ci-dessus énoncés s’appliquent à tous les végétaux ligneux en général, mais, dans la pratique, il y a à tenir compte de la nature particulière de chaque espèce et à choisir le mode de greffage qui lui convient le mieux. La vigne n’admet guère que la greffe en fente souterraine : fente simple ou double avec ligature, sur racine de un ou deux ans ; fente simple transversale avec ligature sur souche de deux à quatre ans ; fente partielle (sur le rayon seulement de la section horizontale) sur souche de trois ans et plus sans ligature. Dans ce dernier système, les couches ligneuses réagissent contre la déformation et se referment sur le greffon taillé en coin introduit pendant que le ciseau maintient l’ouverture. Milon de Crotone dévoré par les loups parce qu’un chêne fendu par lui s’était refermé sur ses mains donne une idée des conditions de solidité exigées par cette excellente greffe. De ces trois espèces de greffes : fente anglaise sur très jeune bois, fente transversale complète sur souche moyenne, fente partielle sur grosse souche, la première est de beaucoup la meilleure parce que : 1° la végétation y est plus vive ; 2° l’écorce plus mince est plus facile à rejoindre ; 3° la ligature plus parfaite. La plus mauvaise est certainement la seconde, et pourtant c’est celle qui sera la plus pratiquée, car je vois autour de moi des taylors de cinq ans perdre le temps et l’argent de ceux qui les ont plantés, et cela malgré l’exemple des riparias du château de Pignan[1], qui, plantés en 1879, greffés en 1880, produisent cette année de dix à vingt-cinq grappes. Malgré encore l’exemple des taylors de Saint-Benezet et ceux du fermier Vier[2], greffés en 1880 et produisant cette année, on n’a pas encore compris que, passé la première, chaque année écoulée avant la greffe se traduit par une vendange perdue. On me répondra

  1. Chez M. le comte de Turenne (Hérault).
  2. Mas-de-Baguet.