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billets sans perte… Vous m’aviez pourtant écrit le contraire… Vous m’aviez écrit que, Merlin étant condamné à payer les intérêts, frais, etc., on trouverait quelqu’un qui se contenterait de gagner les intérêts en m’indémnisant du capital. » — « Ma belle dame, le nom fatal de Merlin vous corne les oreilles : Hyla, Hyla, nemus omne sonabat. A moi il me navre le cœur. » — « Si vous voyiez M. de Sartine ? si vous lui parliez de ma cruelle aventure avec Merlin ? si vous ? ., que sais-je, moi ? Enfin j’adore M. de Sartine, je lui ai mille obligations, et je voudrais lui en avoir encore davantage. »


Ah ! que Merlin ne lui a-t-il payé ses cent louis ! Il est regrettable aussi que le timbre-poste n’ait pas été connu de son temps. Ses lamentations sur le prix que coûte un port de lettre reviendraient moins souvent dans sa correspondance.

Comme il s’était acclimaté naguère à Paris, il finit pourtant par s’accommoder de Naples. Vers 1777 la correspondance commença de se ralentir. Ses fonctions de conseiller du commerce et, plus tard, de ministre des domaines, — on voit qu’il devint un personnage considérable ; — un frère à pousser, trois nièces à pourvoir et qu’il maria toutes trois, ce qui le rendit, à ce qu’il conte, étonnamment populaire, « formidable et illustre » dans Naples ; un long travail d’érudition qu’il avait entrepris sur Horace (il était bon latiniste) ; le soin de ses collections enfin, médailles, camées, bronzes antiques, vases, tableaux, pouvaient suffire à remplir sa vie. Un grand chagrin, dont ses habiles éditeurs n’ont pas pu jusqu’ici retrouver le motif, vint assombrir ses dernières années. La mort de Mme d’Épinay, qui survint en 1783, mit un terme, pour ainsi dire, aux relations de Galiani avec ses anciens amis et avec la France. Il mourut le 30 octobre 1787.


V

Tel fut ce singulier personnage, plus digne de curiosité que de sympathie, mais vivant, et le premier de cette lignée que nous aurons vue s’éteindre, ou plutôt s’interrompre en la personne de l’ami de Mérimée, Panizzi, conservateur du British Museum et sénateur du royaume d’Italie. Je les compare à ces virtuoses qui tantôt déjà célèbres, ou tantôt encore inconnus dans leur patrie, venaient chercher sur les théâtres de Londres ou de Paris une consécration de popularité européenne, avec le prestige de laquelle ils reparaissaient et revenaient finir sous leur soleil natal. Ce fut le cas de Galiani. C’est à ses qualités italiennes et, selon nous, à ses qualités italiennes uniquement, qu’il dut la réputation