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temps, les dernières semaines qui lui restent, à multiplier les discussions inutiles, à voter des lois ou des motions pour rien, à embarrasser peut-être le gouvernement et surtout à bouleverser le budget dans un intérêt de popularité électorale. C’est peut-être vrai, quoique peu flatteur. La difficulté est malheureusement de trouver un moyen pratique et à demi plausible pour sortir de là.

Les uns ont imaginé qu’il n’y aurait rien de plus simple que de provoquer une sorte de mise en mouvement de l’initiative du chef de l’état, de demander à M. le président de la république de s’entendre avec le sénat pour prononcer la dissolution immédiate de la chambre à l’amiable, par consentement mutuel. On décréterait le divorce avant la mort naturelle d’un des conjoints constitutionnels. D’autres ont cru qu’il serait du moins possible que la chambre prît dès ce moment son congé sans dissolution, sans esprit de retour, que l’élection de la chambre nouvelle se fît au 17 juillet, sauf à renvoyer au 14 octobre la transmission légale des pouvoirs d’une assemblée à l’autre. Ceci serait l’introduction furtive d’un troisième conjoint législatif dans le mariage constitutionnel. Tous ces projets, à vrai dire, ressemblent à des expédiens peu réfléchis, improvisés au plus vite pour la circonstance. — Une dissolution à l’heure qu’il est, ce serait franchement un moyen assez bizarre. D’abord la chambre n’a pas strictement le droit de délibérer sur sa propre dissolution ; dès qu’elle n’a pas le droit de délibération, elle ne saurait convenablement émettre un vœu, elle ne peut pas se placer dans l’attitude d’une assemblée avouant son impuissance, sollicitant la faveur de disparaître le plus tôt possible. Et puis, M. le président de la république, avec un peu de sang-froid, pourrait embarrasser ceux qui lui porteraient cette pétition ; il n’aurait qu’à leur demander quelle circonstance imprévue s’est produite tout à coup, ce qui a pu motiver le recours à un moyen aussi exceptionnel, quelle utilité il peut y avoir à décréter d’autorité la dissolution d’une chambre qui va mourir de sa mort naturelle. La séparation anticipée avec les élections au mois de juillet et la transmission légale des pouvoirs au 14 octobre, c’est vraiment assez compliqué. Pendant trois mois il y aurait donc, avec le sénat, deux chambres des députés, l’une achevant de mourir, l’autre déjà entrée dans la vie ! Si dans l’intervalle il survenait quelque événement de nature à provoquer la réunion du parlement, quelle est la chambre qu’on appellerait ? La nouvelle n’aurait pas encore le droit, l’ancienne n’aurait plus la puissance. Et voilà comment on tombe dans la confusion à force de chercher des expédiens et de vouloir échapper aux plus simples nécessités d’une situation.

On cherche ce qu’il y aurait à faire, comment on pourrait arriver sans encombre au bout d’une législature dont la fin est si prochaine. Ce n’est pas aussi compliqué qu’on le pense. Ce qu’il y aurait de mieux