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Gaulard a tiré le parti le plus ingénieux de cette pierre ; en suivant pied à pied les accidens qu’elle présentait, et en profitant de ses défauts comme de ses beautés, il a fait une sorte de chef-d’œuvre. Le sujet lui-même a été inspiré par les belles colorations de la matière. La figure de Phœbus a été tirée d’une couche rose et bleuâtre qui lui convient à merveille. Le char sur lequel elle est assise, les chevaux de l’attelage, et les nuages qui le portent sont bruns, légèrement nuancés de vert et de rose. Des figures allégoriques, une Renommée et de petits génies volent dans le ciel : leurs chairs sont rosées, azurées, leurs draperies jaunes ou quelquefois vertes, car le graveur obtient cette couleur en diminuant l’épaisseur des couches jaunes quand elles reposent sur un fond bleu. Enfin, en bas, des divinités marines parées des vives couleurs de la nacre suivent des yeux la marche triomphale du dieu. M. Gaulard a parfaitement adapté son sujet aux qualités d’une pierre qui a les nuances de l’iris. Il l’a traité dans un style large et qu’on pourrait dire puissant. Le faire ne témoigne d’aucune prétention à l’habileté : il est inspiré des meilleurs modèles de l’antiquité. En somme, c’est une œuvre originale : car, croyons-nous, les opales à plusieurs couches travaillées en camée sont tout au moins fort rares. Aussi estimons-nous que celle-ci, qui est un morceau capital, devrait prendre place au musée de Luxembourg. D’ailleurs la gravure sur pierres fines figure très honorablement à l’exposition. M. François dans un sujet gracieux : une Butineuse ; M. Lechevrel avec une Tête de Catherine de Médicis ; et M. Schulz avec son Tueur de lion, représentent bien le camée ; tandis que les intailles de MM. Michel, Hazeroth et Lambert attestent des qualités remarquables.

Tels sont au Salon les arts du bas-relief, avec leurs spécimens intéressans. Théoriquement, il faut établir une distinction entre ces ouvrages. Ceux qui ne s’accusent que par de très faibles saillies comme les médailles ; ceux qui, comme les médaillons, ne risquent pas de présenter une image confuse parce qu’ils ne comportent qu’une tête unique ; ceux enfin qui tirent une partie de leur valeur du contraste des couleurs comme le camée, se rattachent à la sculpture ou à la peinture indifféremment. Mais pour le bas-relief proprement dit, il y a de fortes raisons de ne pas chercher à y introduire les conventions pittoresques. En effet, reproduire tous les objets qui frappent la vue, les représenter sous leurs aspects innombrables, rendre l’apparence des choses dans le milieu subtil qui les environne ! , tel est le domaine de la peinture : elle s’y établit par la perspective ; elle y produit l’illusion par la couleur. Mais si, en se développant sur une surface plane, elle a cet avantage de réunir à l’unité du point de vue la fixité de l’effet, le bas-relief le plus