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profiter, d’en tirer tout le parti possible. C’est ce qui est arrivé pour le bois, qui est employé aujourd’hui de manière à se prêter à des travaux ou plus suivis ou plus interrompus ou plus mélangés et qui sont en tout cas d’une finesse extrême. Tous les ans, nous pouvons suivre les progrès de cet art, qui prend toujours davantage l’aspect d’un art nouveau. Sans esprit d’imitation, sans qu’il soit possible d’ailleurs de méconnaître sa nature, il rivalise avec l’eau-forte et avec la taille-douce, et il offre pour certains effets, pour la qualité des noirs, par exemple, des ressources que lui seul possède. Que la gravure sur bois soit menacée dans son avenir industriel, c’est possible. Mais, au point de vue de l’art, elle produit de très belles œuvres, et cela nous paraît rassurant pour son avenir.

Nous le savons bien, le graveur sur bois pourra devenir meilleur dessinateur : par là il se rendra plus capable de redresser certaines erreurs que commet la photographie et qui sont fâcheuses dans les épreuves qu’il a généralement à reproduire. C’est encore une voie nouvelle, une voie de progrès qui s’ouvre devant lui. Mais, dès à présent, des artistes comme MM. Pennemaker père et fils, à côté desquels nous placerons M. Robert, bien qu’il manque à l’exposition, de tels artistes peuvent être réputés excellons. En gravant l’Amour endormi de M. Perrault, M. Rousseau a fait une œuvre de style. De leur côté, M. Lepère et M. Ausseau rendent à merveille la qualité d’une peinture et jusqu’aux touches du pinceau, M. Maurand l’air et l’espace. M. Quesnel a bien donné l’impression du triptyque de saint Guthberg de M. Duez : M. Langeval a conservé tout son calme et toute sa fraîcheur à la Campagne de M. 1erolle. MM. Closson et Juengling ont la finesse et l’imprévu que permettraient l’eau-forte et la pointe sèche. Enfin M. Brun-Smeeton a fait un très exact fac-simile d’une étude largement crayonnée du Corrège.

En présence d’un pareil entraînement, la lithographie paraît un peu mélancolique. Est-ce donc qu’elle ait faibli ? Mais M. Didier a fait d’après les Moutons de M. Brissot une pierre fort jolie. Personne n’est plus initié que M. Vernier et que M. Jacott aux traditions d’une époque où la lithographie était dans tout son éclat. On peut en dire autant de M. Sirouy, qui a reproduit le Christ endormi d’Eug. Delacroix d’une manière qui eût obtenu l’approbation du maître. M. Gilbert paraît encore ici avec de très bons portraits. M. E. Cicéri est toujours un maître du crayon. Enfin M. Pirodon a su nous faire retrouver l’impression mystérieuse que nous avions éprouvée, il y a deux ans, devant la Sultane voilée d’ombre de M. Hébert. Eh bien ! malgré tout, la faveur du public n’est plus à la lithographie. Il y a trente ou quarante ans, c’était le plus vivant, le plus intellectuel peut-être, mais certainement le plus populaire des arts. Une lithographie de Charlet, de Gavarni, de Raffet, de Lhemud ou de Nanteuil faisait