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Dans ces conditions et sous ces réserves, la proposition d’arbitrage ne pouvait être accueillie. Le Chili, sans même consentir à la discuter, répondit en déclarant que la violation par la Bolivie du traité de 1874 replaçait la question au point où elle était avant la signature du traité ; qu’à cette époque, il avait établi ses droits sur le territoire situé entre le 25e et le 22e degré de latitude sud, qu’il n’avait consenti à limiter sa souveraineté au 24e degré qu’à la condition de la jouissance en commun de la partie du désert d’Atacama comprise entre le 24e et le 25e degré, que le traité étant rompu par le fait de la Bolivie, il rentrait en possession de ce qui lui appartenait.


II

C’était la guerre. La Bolivie crut sinon l’éviter, tout au moins la retarder en rapportant le décret, mais en déclarant qu’elle se considérait comme déliée des dernières concessions faites par elle, qu’en conséquence elle retirait celle octroyée à la compagnie d’Antofagasta. Dégagée des formules diplomatiques, sa déclaration équivalait à ceci : elle rapportait un décret prélevant une taxe de 450,000 francs et elle confisquait ou ruinait une propriété de 20 millions.

Le 12 février 1879, Santiago en fête célébrait l’anniversaire de la bataille de Chacabuco, inscrite dans les fastes historiques du Chili. Ce jour-là même, le ministre de l’intérieur recevait la dépêche suivante, datée d’Antofagasta et immédiatement affichée dans les rues de la capitale : « Le gouvernement de la Bolivie, au mépris de nos réclamations, a décrété la confiscation de la propriété de nos citoyens et a pris possession des dépôts de salpêtre, sans daigner nous fournir aucune explication. » Une explosion de colère accueillit la nouvelle. L’opinion publique surexcitée somma le cabinet d’agir. Il était prêt. Les ouvriers chiliens employés aux travaux des mines reçurent par télégraphe l’ordre de résister ; renforcés par un corps de troupes régulières, ils s’emparaient sans coup férir d’Antofagasta, de Mejillones et de Caracoles. Un navire cuirassé chilien bloquait le port de Cobija, où s’étaient réfugiées les autorités boliviennes chassées des districts miniers. L’armée s’ébranlait et de nouveaux transports chargés de troupes armaient rapidement pour amener des renforts sur les côtes de la Bolivie.

Le gouvernement de Santiago ne se faisait aucune illusion sur la gravité de ces résolutions. Le Chili se trouvait alors dans une de ces situations où l’audace s’impose et où la fortune mesure ses faveurs au degré de vitalité d’un peuple, à l’habileté de son gouvernement et au courage de ses soldats. Il n’avait pas seulement à