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victorieuse. Il importait donc avant tout de se mettre en mesure de tenir la mer et diriger de ce côté tous les efforts et toutes les ressources dont on disposait.

L’occupation d’Antofagasta et du littoral bolivien avait eu pour résultat de rejeter au nord les faibles détachemens que la Bolivie entretenait dans ces parages. Ils s’étaient repliés sur Calama, à quelque distance de la côte, attendant des renforts et prêts à reprendre l’offensive. Un avocat bolivien, Ladislas Cabrera, s’était mis à leur tête. Homme entreprenant et résolu, il avait réussi à rétablir la discipline, à relever le moral de ses troupes ; il se trouvait en mesure soit d’opposer une résistance sérieuse, soit de tenter une marche offensive. Située sur les bords du Loa, Calama est une sorte d’oasis dans le désert d’Atacama, le point de ravitaillement des caravanes qui se rendent de Potosi au littoral. Vivres et munitions y abondaient. L’endroit était donc bien choisi pour une concentration. En outre, de Calama on menaçait les mines de Caracoles ; par une marche hardie on pouvait se porter sur Cobija, ou attendre dans des conditions favorables l’avant-garde de l’armée bolivienne, avec laquelle on restait en communication.

Il importait au Chili de prévenir cette dernière éventualité, de nature à compromettre les résultats du hardi coup de main par lequel il s’était emparé du territoire contesté. Quatre bâtimens de l’escadre vinrent bloquer Cobija qu’occupa sans coup férir un corps de débarquement, pendant que le colonel Sotomayor, parti d’Antofagasta prenait possession de Caracoles, accueilli avec enthousiasme par les mineurs chiliens. Successivement débusqués de ces deux points, les détachemens boliviens se repliaient sur Calama, grossissant l’effectif de Cabrera.

Préoccupé de ce danger, Sotomayor se décida à se porter sur Calama avant que l’arrivée des renforts permît à Cabrera de prendre l’offensive. Divisant ses troupes en deux parties, il laissa un détachement dans Caracoles, choisit cinq cents hommes des plus robustes et marcha vers le nord, marche rude et difficile dans un pays aride où à l’étouffante chaleur du jour succèdent les froids intenses de la nuit, où dans vingt-quatre heures le thermomètre varie de 30 degrés. Il fallait tout transporter avec soi, vivres, eau, fourrages à travers des plaines de sable et des quebradas escarpées. Le 23 mars au matin, la colonne chilienne arrivait en vue de Calama. Sommé de se rendre, Cabrera répondit par un refus énergique. Il s’attendait à être attaqué et avait pris toutes ses mesures pour résister. Abandonner Calama, c’était livrer la clé d’Atacama. Habilement disposé le long du Loa derrière d’épais buissons qui leur servaient d’abri, les soldats boliviens ouvrirent un feu nourri contre les troupes chiliennes combattant à découvert un ennemi invisible.