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Il n’y avait avant la révolution qu’une seule chaire de clinique à Paris, et les élèves n’étaient pour ainsi dire pas exercés aux dissections anatomiques et aux opérations chirurgicales. « La pratique même de l’art, l’observation au lit du malade va devenir une des principales parties de l’enseignement. Trois hospices : celui de l’Humanité, pour les maladies externes ; celui de l’Unité (la Charité), pour les maladies internes, et celui de l’école même pour les cas rares, offriront aux élèves une fois instruits dans les connaissances de la théorie, le complément de toutes les autres. » (Fourcroy.)

Le Muséum. — Le Jardin des Plantes, en 1789, n’était pas, comme son nom semblerait l’indiquer et comme on l’a fort injustement prétendu, une simple école de botanique. Dès le XVIIe siècle, sous l’administration de Colbert, des cours de chimie, d’anatomie et de chirurgie y avaient été institués, et bien avant la révolution, Daubenton, Jussieu, Buffon, l’avaient illustré. Toutefois, il s’en fallait que l’importance de cet établissement se fût accrue dans la proportion de celle des sciences naturelles, Son enseignement, ses collections, son étendue même, étaient devenus tout à fait insuffisans. Avec ses trois chaires, ses trois galeries et ses quelques hectares consacrés à la culture, il faisait une assez triste figure en un temps qui se piquait d’avoir découvert la nature. La botanique, popularisée par Rousseau, la zoologie surtout, révélée par Buffon, réclamaient de plus vastes espaces, d’autres aménagemens et surtout une nouvelle et plus complète organisation des études.

Il était réservé à Lakanal de préparer et c’est l’honneur de la convention d’avoir réalisé cette utile réforme. Le 10 juin 1793, à l’heure même où la cause de la révolution semblait le plus désespérée, l’organe habituel du comité d’instruction publique montait à la tribune et donnait lecture d’un rapport tendant à la transformation du Jardin des Plantes en un vaste établissement d’enseignement scientifique. De trois, le nombre des chaires était porté à douze. Ne fallait-il pas, disait le rapport, « ouvrir à la science le livre immense de la nature ? »

Lakanal, dans sa confiance, ajoutait même : « Il viendra sans doute un temps où l’on élèvera au Jardin national les espèces de quadrupèdes, d’oiseaux et d’autres animaux étrangers qui peuvent s’acclimater sur le sol de la France et lui procurer de nouvelles richesses. » C’était déjà l’idée de notre Jardin d’acclimatation.

Le rapport insistait encore sur la nécessité de donner au nouvel établissement un nom plus scientifique, celui de Muséum, et une constitution républicaine. « L’arbre de la liberté, disait-il, serait-il le seul qui ne put être naturalisé au Jardin des Plantes ? » Un tel argument devait être irrésistible et fut, en effet, couronné d’un plein succès. La convention vota, sans même le discuter, le projet de Lakanal.