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obligations n’ont pas tardé à devenir par leur multiplication une lourde charge et un embarras. En présentant le budget de 1880, M. Léon Say, avec une franchise qui n’a pas été imitée, reconnaissait que le chiffre des obligations à court terme qui arrivaient à échéance en 1880 s’élevait à 167 millions, mais que les ressources prévues ne permettraient d’en rembourser que pour 91 millions. L’excédent de recettes de 1,645,000 francs prévu pour le budget de 1880, correspondait donc, en réalité, à un déficit réel d’un peu plus de 74 millions ; puisque 76 millions d’effets souscrits par le ministre des finances et qui, de son aveu, constituaient « une assignation à l’état, une exigibilité dont le paiement était obligatoire, » étaient exposés à demeurer en souffrance. Pour régulariser cette situation, M. Léon Say avait introduit dans la loi de finances un article tout nouveau que les lois suivantes ont reproduit. En vertu de cet article, tous les excédens de recette de l’exercice, s’il s’en produisait, devaient être appliqués au remboursement des obligations arrivées à échéance ; celles qui n’auraient pas été couvertes par ces excédens devaient être remplacées « par de nouvelles obligations à court terme émises dans la même forme que celles qu’on aurait payées. » M. Léon Say prévoyait donc pour le trésor la situation de ces commerçans besogneux qui n’échappent que par des renouvellemens onéreux à la constatation de leur insolvabilité. Il se faisait autoriser d’avance à renouveler pour 76 millions d’effets souscrits par l’état ; mais du moins, s’il différait cette charge, il ne la rejetait pas sur un avenir dont l’éloignement l’aurait fait perdre de vue, et par une sage précaution il mettait les excédens éventuels de recette à l’abri des convoitises du corps législatif, qui aurait pu les appliquer à des augmentations de dépenses ou à d’imprudentes diminutions d’impôts. Voyez avec quelle inépuisable fécondité le goût de la dépense enfante chaque jour de nouveaux expédiens : une ingénieuse habileté a tourné contre l’équilibre du budget la précaution prise pour le protéger. Le ministre des finances considère aujourd’hui comme un droit acquis cette autorisation de renouvellement qui n’avait été demandée et accordée qu’à titre accidentel ; il en fait un moyen régulier de trésorerie et, en conséquence, il ne fait figurer au budget que la somme qu’il lui convient de rembourser, se réservant de renouveler le surplus des obligations échues. C’est ainsi que les obligations qui arrivent à échéance en 1881 s’élèvent à 161 millions : on n’en a inscrit que pour 91 millions au budget. Pressé de questions, le ministre des finances vient de reconnaître, dans la discussion du budget de 1882, que le montant réel des obligations qui viennent à échéance, l’an prochain, est de 170 millions, bien qu’il n’ait prévu et inscrit au budget que le remboursement de 102 millions. Or, si élastique que soit la langue