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budget extraordinaire, 413 millions au budget sur ressources spéciales, et 59 millions au budget pour ordre, on trouve que l’ensemble des dépenses prévues pour 1882 s’élève déjà à 3 milliards 900 millions, sans ce que les crédits extraordinaires et supplémentaires, naissant de besoins imprévus, peuvent y ajouter. Le jour où les dépenses annuelles de la France seront de 4 milliards, et par conséquent plus que doubles de celles de l’Angleterre, ne saurait donc être éloigné.

Une dépense aussi prodigieuse ne donne-t-elle pas, dans une certaine mesure, la clé des souffrances de notre agriculture et de la paralysie de notre industrie ? L’activité fiévreuse dont le gouvernement est possédé ne fait-elle pas tort à l’activité privée, la seule vraiment féconde, qui ne trouve plus ni carrière où s’exercer, ni capitaux pour développer ses entreprises ? Est-ce un excès de pessimisme que de voir un symptôme de lassitude, sinon d’épuisement, dans la difficulté qu’on éprouve depuis deux ou trois ans à équilibrer ces budgets monstrueux qui dévorent le plus clair de la fortune publique ? Sous ce rapport, l’histoire du budget de 1882 sera des plus instructives et elle mérite qu’on s’y arrête un instant. En préparant ce budget, M. le ministre des finances avait pris pour base, conformément à l’usage, les recettes effectives du dernier exercice. écoulé : il avait donc évalué les recettes de 1882 d’après les recettes réalisées en 1880, qui se trouvaient être supérieures de 72 millions aux évaluations inscrites au budget de 1881. M. le ministre disposait donc de 72 millions de plus que l’an dernier, et il semble qu’avec un pareil accroissement de ressources, il devait se trouver fort à l’aise pour équilibrer son budget ; mais il était nécessaire d’assurer le service des emprunts soit en rente amortissable, soit en obligations à terme qu’on a déjà contractés et qu’on devra contracter encore pour les besoins du budget extraordinaire ; d’autre part, il fallait pourvoir aux nouvelles créations d’emplois et aux augmentations de dépenses qui résultent des lois récemment votées. Les trois quarts du boni de 72 millions ont été ainsi absorbés. Le budget, tel qu’il est sorti des mains de l’administration des finances, prévoyait, pour le budget ordinaire, une recette de 2,836,503,223 francs et une dépense de 2,818,662,933 francs, soit, en chiffres ronds, un excédent de recettes de 17 millions et demi.

Des critiques méticuleux pourraient chercher querelle au ministre des finances sur l’évaluation des dépenses ; et ils pourraient signaler dans le budget extraordinaire certains crédits, par exemple les travaux de réparation et de construction à exécuter dans divers ministères, qui ont toujours été supportés par le budget ordinaire et qui auraient dû certainement y être inscrits. En outre, M. le ministre a avoué qu’il n’avait inscrit au chapitre des remboursemens