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vins, en nous dispensant de renouveler les achats considérables que nous avons dû faire au dehors dans les deux dernières années, vienne arrêter l’exportation de notre numéraire et dispense la Banque de recourir à des mesures restrictives ; mais tout parait faire à notre commerce une loi de la prudence. La Banque avait retiré de la circulation la presque totalité des billets de 50 francs et une grande partie des billets de 100 francs à cause des frais considérables que lui imposent la fabrication et le renouvellement de ces billets : les uns et les autres ont reparu en grand nombre depuis six mois, et tous les appoints peuvent se compléter en papier et en argent sans recourir à l’or. Malgré cette précaution et malgré l’assistance du trésor, la Banque ne parvient point à maintenir intact son approvisionnement d’or : le bilan du 7 juillet accusait une perte de 3 millions d’or sur l’encaisse du 30 juin ; le bilan du là juillet a accusé une nouvelle perte de 15 millions. Si ce mouvement de décroissance ne s’arrête point, la Banque remettra-t-elle en circulation, comme certains empiriques le lui conseillent, les coupures de 20 ou 25 francs, nous ramenant ainsi au régime du papier-monnaie ; ou considérant qu’un pays tel que le nôtre, avec des relations internationales aussi étendues, ne peut se laisser entièrement dégarnir de métaux précieux, reconnaîtra-t-elle la nécessité de faire payer l’or à son véritable prix et de relever le taux de l’escompte ? Nous ne saurions préjuger la détermination à laquelle s’arrêtera l’administration de la Banque, en face d’un état de choses que tout le monde peut prévoir comme presque inévitable ; mais il nous reste encore une question à examiner : dans quelle situation une élévation notable de l’escompte trouverait-elle le marché français ?


IV

A ne juger que sur les apparences, le marché français n’aurait jamais été aussi florissant que dans les premiers mois de 1881. Il semblait qu’il fût en état de fournir aux besoins du monde entier : d’innombrables valeurs avaient été créées, toutes avaient trouvé ou paraissaient avoir trouvé preneurs ; toutes étaient en progrès. Les rentes françaises avaient rarement atteint des cours aussi élevés : les fonds étrangers avaient éprouvé une hausse correspondante ; aucun embarras, aucun symptôme de gêne n’était perceptible. Cette situation du marché français était-elle aussi solide qu’elle était brillante ?

Si l’on posait cette question : doit-on voir dans l’abondance et