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une longue pièce d’eau, se trouve en arrière du pavillon royal ; de place en place se dressent des kiosques, des belvédères, des constructions légères où l’on devine, au mode d’assemblage indiqué par le dessinateur, l’emploi du bois. Partout des portiques sous lesquels devaient se grouper et reposer la nuit les gens de service. Où étaient les salles de réception, ce que l’on appellerait aujourd’hui le divan ? Nous ne les avons reconnues dans aucun des plans qui nous ont passé sous les yeux ; mais il ne faut pas oublier que ces plans, mutilés en beaucoup d’endroits, n’ont été reproduits jusqu’ici que par fragmens. Ils mériteraient d’être l’objet d’une publication plus complète.

Telle est, croyons-nous, l’idée qu’il convient de se faire du palais égyptien, d’après les analogies historiques et d’après l’ensemble de ces données graphiques. Si nous ne nous sommes pas trompés, on comprendra que nous nous refusions à voir les restes d’un palais proprement dit dans la ruine qui a si souvent été dessinée et photographiée sous le nom de pavillon royal de Medinet-Abou ou de pavillon de Ramsès III. Il serait difficile de donner, par la seule description, une idée de l’aspect et de la disposition de cet élégant et singulier édifice ; il faut l’étudier dans les plans que Lepsius en a donnés, après les auteurs de la Description de l’Égypte. En venant de la plaine, on rencontre d’abord deux logettes de garde, terminées, comme le mur d’enceinte où elles sont insérées et comme le pavillon lui-même, par des créneaux. Les deux piliers qui s’appuyaient contre les logettes et entre lesquels était comprise la porte subsistent encore ; une grille devait fermer le passage ; on peut la restituer avec vraisemblance, d’après les peintures thébaines. La porte franchie, on se trouvait en présence de deux hautes ailes en forme de pyramides tronquées, et d’un corps de bâtiment qui s’élevait entre les deux, percé d’un passage, au fond d’une cour qui va se rétrécissant par ressauts successifs. En hauteur, l’édifice se compose d’un rez-de-chaussée et de deux étages ; qui étaient réunis par des escaliers.

Ce pavillon est tout couvert de bas-reliefs et de textes hiéroglyphiques, et pourtant on discute encore sur sa destination. Le meilleur moyen de résoudre le problème, n’est-ce pas d’en demander la solution à notre expérience d’historien et de voyageur, n’est-ce point de nous rappeler ce que nous savons des conditions persistantes de la vie royale, telle que l’ont toujours comprise et pratiquée les souverains orientaux ? Aujourd’hui encore, on le sait, il en est bien peu qui, le lendemain de leur avènement, n’aient pas la fantaisie de se bâtir un palais neuf. C’est ce qu’avaient fait, en Syrie, l’émir Beschir, à Beit-ed-din, dans le Liban, et Djezzar-Pacha, près de Saint-Jean-d’Acre ; c’est ce qu’en Égypte même Méhétnet-Ali et