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ses successeurs ont fait à Choubra et ailleurs encore, autour du Caire et d’Alexandrie. De même à Constantinople, Mahmoud et Abd-ul-Medjid ont employé, en constructions ruineuses, les dernières ressources de l’empire. Tout est viager en Orient ; le fils n’y habite presque jamais la maison de son père. Eux aussi, les pharaons, comme les rois de Babylone et de Ninive, devaient être atteints de cette manie ; or, pressés qu’ils étaient de jouir le plus tôt possible de l’œuvre improvisée à grands frais, ils ne pouvaient manquer d’en chercher l’emplacement dans la zone des terrains susceptibles d’irrigation. Là, n’importe où, sur les bords du Nil ou de l’un de ses bras, on aurait bien vite élevé, à force de corvées, les remblais qui mettraient les édifices à l’abri des hautes crues, ; autour d’eux, les arbres, le pied dans la terre humide, pousseraient presque aussi vite que les bâtimens. En quelques années, le palais, promptement terminé, serait déjà tout enveloppé d’une fraîche ceinture de rians parterres et d’ombrages épais.

Quand on pouvait disposer, à cet effet, de toute la plaine, pourquoi donc aurait-on été se placer au-dessus du niveau de l’inondation, là où l’on aurait eu grand’peine à faire pousser une maigre végétation, à force de bœufs attachés à la roue du sakyeh ou de fellahs occupés à manœuvrer les cordes du chadouf ? Pourquoi se serait-on volontairement rapproché de ces rochers de la chaîne libyque qui, frappés par le soleil pendant tout l’après-midi, réfléchissent jusque dans la nuit la chaleur dont ils sont imprégnés ? Les édifices de Medinet-Abou sont situés à la base même de la colline de Gournet-el-Mourraï, qui, vers le sud de la nécropole thébaine, se détache du corps de la montagne et s’avance, comme un promontoire, dans la direction du fleuve, jusqu’à l’extrême frontière des cultures.

Ce n’est donc pas là qu’on aurait été chercher le site d’un palais ; ajoutons que, de toute manière, on n’en aurait pas trouvé la place dans l’espace qu’occupe l’aire du pavillon. Cet espace est étroitement limité, sur la droite, par le temple de Thoutmès et ses propylées, et, en arrière, par le temple de Ramsès ; aussi les dimensions de ce bâtiment paraissent-elles très petites, surtout en comparaison de celles qui ont été données au splendide et vaste édifice qu’il précède. La plus grande largeur du pavillon ne dépasse point 25 mètres, et il n’a que 22 mètres de long. L’édifice se compose de deux corps de logis, et la cour qui les sépare prend un bon tiers de la superficie totale. A eux tous, les trois étages n’ont guère dû jamais fournir plus d’une dizaine de pièces, dont quelques-unes sont plutôt des cabinets, comme nous dirions, que de vraies chambres. Avec toute la simplicité de nos habitudes, une famille bourgeoise d’aujourd’hui, pourvu qu’elle fût un peu nombreuse, y serait à la gêne ;