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les bas-reliefs de Karnak, de Louqsor, du Ramesséum et de Medinet-Abou même nous ont conservé l’image et que les rois faisaient élever sur leurs frontières, à la fois comme. ouvrages de défense et comme souvenirs de leurs victoires. Un monument d’architecture militaire, et non un monument d’architecture civile, tel serait le pavillon de Medinet-Abou[1]. » Le roi guerrier par excellence ne pouvait se rappeler au souvenir des hommes par un édifice qui représentât plus fidèlement le caractère et l’originalité de son règne, d’un règne de combat, qui devait laisser l’Égypte rassasiée et fatiguée de gloire militaire.

Quel que soit le type, palais ou forteresse, auquel on doit rattacher plus particulièrement le pavillon, de toute manière c’était ici qu’il convenait de l’étudier avec quelque détail. Le pavillon fait bien partie d’un ensemble funéraire et il s’élève en avant d’un temple, mais, à tout prendre, les dispositions en sont imitées de celles qui caractérisent les édifices habités par les vivans. L’aménagement n’en est ni celui de la tombe, ni celui du temple ; il relève d’un tout autre principe. C’est ainsi que nous avons, dans le pavillon, des superpositions de pièces que ne comportent ni les édifices funéraires, ni les édifices religieux. Tout au contraire, la forteresse et la maison s’accommodent également bien de ces étages multiples. Il en est de même pour l’éclairage des appartenons. La tombe aime les ténèbres, et le temple lui-même se contente d’une lumière très discrète, qui, par endroits, est presque la nuit. Pour prier, dans la chapelle de la tombe ou dans le sanctuaire d’Osiris, on s’accommodait fort bien du demi-jour crépusculaire d’un intérieur fermé ; mais, pour vaquer aux devoirs et aux plaisirs de la vie active, il fallait y voir clair. On trouve donc ici des fenêtres, de vraies fenêtres, dont quelques-unes fort larges. Rien n’est plus rare en Égypte, dans les bâtimens que nous a laissés l’époque pharaonique ; mais c’est que presque tous ces bâtimens sont des tombeaux ou des temples. Quant à l’architecture civile, elle avait, en Égypte, à satisfaire aux mêmes besoins que partout ailleurs ; il lui avait donc fallu, pour y réussir, avoir recours à des moyens qui ne diffèrent pas sensiblement de ceux qui ont été mis en œuvre chez d’autres peuples et dans d’autres temps ; nous en avons ici la preuve.

L’emploi de la fenêtre n’est d’ailleurs pas la seule particularité de construction par laquelle se distingue le pavillon de Medinet-Abou ; nous signalerons encore les consoles, d’un assez fort relief, qui font saillie sur la cour, entre le premier et le second étage. On a prétendu qu’elles auraient servi à soutenir des mâts au moyen

  1. Itinéraire, p. 213.