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Nous n’essaierons pas de comparer et de discuter les quelques indications que nous ont données les Grecs sur l’étendue de Thèbes ; fussent-elles moins vagues et moins contradictoires, elles ne nous renseigneraient pas sur la densité de la population[1]. Diodore raconte qu’il y aurait eu à Thèbes des maisons de quatre et de cinq étages ; mais il ne les a pas vues, et c’est au règne de son fabuleux Busiris qu’il les attribue[2]. Dans les représentations figurées, on ne trouve pas de maisons qui aient plus de trois étages, et encore est-ce l’exception ; d’ordinaire on ne rencontre qu’un rez-de-chaussée, un premier étage et une terrasse couverte. Il paraît peu probable que, même dans les grandes voies, les maisons les plus luxueuses présentassent sur la rue une ligne de belles façades ; on se figure plutôt Thèbes et Memphis comme les villes orientales d’aujourd’hui, avec leurs rues bordées de longs murs aveugles ou de massifs de maçonnerie qui ne sont percés que de rares ouvertures. Les maisons que nous offrent les bas-reliefs y paraissent souvent entourées d’une muraille crénelée ; elles s’élèvent au milieu d’une cour ou d’un jardin[3]. Dès que leur propriétaire avait quelque aisance, elles devaient, comme la maison arabe ou turque, fuir le bruit de la rue et réserver pour l’intérieur de l’enceinte toute l’élégance et la variété de bâtimens appropriés aux divers usages de la vie domestique. Toute maison un peu riche devait ainsi couvrir un assez vaste espace. Rappelez-vous ce que nous disent les anciens des champs et des vergers qui étaient compris dans l’enceinte de Babylone ; il est vraisemblable qu’une grande partie de la surface qu’enveloppaient les murs de Thèbes était de même occupée par les plantations dont aimaient à s’entourer les demeures des gens de la haute classe et par les dépendances qu’elle comportait, communs, magasins et greniers.

Dans la maison, située au milieu d’un vaste jardin, que représente

  1. Diodore (I, 45, 4) parle de 140 stades (25,950 mètres) de tour, sans dire si dans sa pensée ce chiffre s’applique seulement à la ville de la rive droite ou à la ville et à son faubourg de la rive gauche. Strabon (XVII, 46) dit que, de son temps, « on peut se figurer quelle était anciennement l’étendue de cette cité, car une partie de ses monumens subsiste et couvre un espace qui ne mesure pas moins de 80 stades en longueur (τὸ μῇκος). » Cette indication donnerait l’idée d’un périmètre bien plus vaste encore que celui de la ville dont parle Diodore. Ce dernier prête à Memphis 150 stades de tour (I, 50, 4).
  2. Diodore, I, 45, 5.
  3. Dans le Roman de Satni, traduit par M. Maspero (Annuaire de l’Association pour l’encouragement des études grecques, 1878), voici comment est décrite (p. 162) la maison qu’habite à Bubaste la fille d’un prêtre de haut rang : « Satni alla à l’occident de la ville, jusqu’à ce qu’il rencontrât une maison qui était fort haute. Il y avait un mur tout autour ; il y avait un jardin du côté du nord ; il y avait un perron devant la porte. »