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même des intérêts réels ou des sentimens de la cité qu’il représente. Depuis quelques mois particulièrement, la situation s’était aggravée et avait pris un caractère des plus aigus par suite d’un conflit flagrant entre le conseil de la ville et la préfecture de police. On ne se connaissait plus, on ne communiquait plus, les relations diplomatiques étaient rompues : la guerre était déclarée ! Comme en définitive le préfet de police, M. Andrieux, défendait les prérogatives les plus inaliénables de l’état, les garanties les plus nécessaires de la sûreté générale, le gouvernement ne pouvait l’abandonner et le désavouer. Le gouvernement soutenait son préfet de police tant bien que mal ; il ne laissait pas de se sentir embarrassé et même de se plaindre un peu du mauvais caractère de M. Andrieux. Par quel moyen sortir de là ? Un moment, le ministère avait cru trouver un expédient en proposant une loi pour la reconstitution de la préfecture de police dans des conditions nouvelles ; mais cette loi, repoussée d’avance par le conseil municipal, jugée assez sévèrement par les hommes les plus exercés, n’avait aucune chance d’être discutée avant la fin de la session. La situation restait inextricable. Qu’est-il arrivé alors ? Un coup de théâtre s’est produite propos. La démission de M. le préfet de police Andrieux est venue dénouer l’imbroglio. M. Andrieux s’est d’ailleurs retiré assez fièrement, sans abaisser son pavillon. Le gouvernement, quant à lui, n’a pas eu à s’incliner devant le conseil municipal ; oh ! non, il n’a pas livré son préfet de police, — il s’est seulement empressé d’accepter la démission de M. Andrieux ! Que le nouveau préfet qui vient d’être nommé, M. Camescasse, soit un homme d’habileté et du ressources, qu’il ne soit pas plus que son prédécesseur disposé à livrer les droits de l’état, là n’est point la question. Le point grave est ce subterfuge déguisant à peine la capitulation du gouvernement devant un pouvoir qui ne cache passa prétention de refuser ou d’accepter les plus hauts fonctionnaires qui n’a pas laissé de recevoir le nouveau préfet avec une certaine hauteur. Une difficulté épineuse a été écartée, c’est possible ; elle n’est évidemment qu’ajournée, elle renaîtra à la première occasion, et cette manière de se tirer d’affaire, de traiter avec une municipalité si peu accoutumée à rester dans son rôle, montre ce qu’il faut entendre par la « politique modérée » de M. le président du conseil, par cet esprit de gouvernement que la gauche se flatte naïvement de posséder. C’est ce qu’on peut appeler désavouer en apparence le radicalisme, en subissant sa loi et l’introduisant soi-même dans l’état !

Un autre côté de cette politique de l’ère républicaine nouvelle, c’est celle qui touche à la direction des finances, à toute cette partie de l’économie publique qui se résume dans le budget. La question avait été déjà agitée dans la chambre des députés ; elle a été reprise, serrée de plus près, traitée avec autant d’éclat que d’autorité par des hommes comme