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été quelque temps les seuls et sont restés les plus riches et les plus beaux qu’il y ait en Europe.

C’est sur ce modèle qu’on a formé celui de Saint-Germain, et il commence à être digne de ses aînés. Les plus vieilles périodes de notre histoire y sont représentées avec une abondance qui laisse peu de chose à désirer. Cette partie, dans le musée, me paraît la plus complète de toutes. La première salle où l’on entre est tapissée par la belle carte de la Gaule d’Erhard, où les reliefs des montagnes, les creux des vallées sont dessinés d’une façon si nette qu’on peut par avance, en la regardant, avoir quelque idée de ce que sera notre histoire primitive. On y voit les routes que suivront nécessairement les peuples pour pénétrer dans notre pays, et ce qui deviendra chez nous le grand chemin de toutes les invasions. Les premières vitrines contiennent ce qu’on a trouvé de plus ancien dans le sol gaulois : ce sont surtout des silex taillés à grand éclat et très imparfaitement appointés. Ils remontent au début de l’époque quaternaire ; on les a rencontrés dans des terrains d’alluvion, principalement le long des rives de la Somme. Ils servaient d’armes à l’homme de ce temps contre les animaux gigantesques qui peuplaient encore la terre. Rien de plus pauvre, de plus grossier, et voilà cependant le commencement de notre industrie ! Quelques vitrines plus loin, le progrès déjà se manifeste et le travail devient un peu moins imparfait. Nous avons là ce qu’on a trouvé dans les cavernes qu’on a pu jusqu’ici explorer. Les cavernes, comme on sait, furent une des demeures de l’homme à ses premiers jours. Il est à remarquer que le souvenir de cette époque lointaine ne s’était pas tout à fait effacé plus tard de la mémoire et que les premiers historiens des temps civilisés ont quelquefois mentionné cette façon de vivre des âges barbares. Pline prétend savoir le nom des deux Grecs qui inventèrent l’art de cuire les briques et d’en faire des maisons. « Avant eux, ajoute-t-il, c’étaient les cavernes qui servaient aux hommes d’habitation. » Diodore confirme ce témoignage, et Strabon prétend que, de son temps encore, il y avait en Sardaigne des populations qui vivaient dans les grottes. Celles qui occupaient les cavernes de la Gaule laissaient s’amonceler dans leurs habitations, avec les restes de leurs repas, les fragmens d’ustensiles ou d’armes dont elles se servaient. Ces débris, mêlés à la cendre du foyer, formaient des strates noirâtres, dont on conserve un spécimen curieux au musée de Saint-Germain. Dans ces strates on retrouve les ossemens des animaux que les hommes d’alors tuaient pour les manger ou qu’ils avaient à leur service ; ce sont quelques-uns de ceux dont nous tirons tant de profit, comme le cheval, et avec eux, le renne, la providence des Lapons d’aujourd’hui, qui devait l’être aussi de ces