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souhaiterions, nous avons au moins cet avantage de nous trouver au milieu d’un peuple dont nous savons le nom avec certitude et qui a joué un grand rôle dans l’antiquité : nous sommes chez les Gaulois. D’eux à nous, la descendance est sûre ; plus de ces lacunes qu’on ne sait comment combler ; nous tenons en main le fil de l’histoire ; il ne se cassera plus jusqu’à nos jours.

On est assez d’accord pour croire que les Gaulois sont venus de l’Orient par la vallée du Danube, et qu’ils ont dû s’arrêter quelque temps en route dans ces contrées montagneuses du centre de l’Europe qui ont fourni de métaux tout l’ancien monde. Ils étaient donc en possession du bronze et du fer, c’est-à-dire arrivés à un certain degré de civilisation, quand ils pénétrèrent chez nous ; cependant ils ne devaient pas encore ressembler tout à fait au portrait que César a tracé d’eux. Lorsqu’on jette un coup d’œil sur les trois salles du musée où sont réunis les objets qui leur ont appartenu, on reconnaît que, dans les cinq ou six siècles pendant lesquels ils ont occupé le pays avant la conquête romaine, leurs lois, leurs coutumes, leur état social ont dû plus d’une fois changer. Nous ne pouvons aujourd’hui saisir la trace de ces changemens que sur ce qui nous reste d’eux, c’est-à-dire sur leurs costumes et leurs armes ; mais il est facile de voir que ces armes ne sont pas toujours faites de la même façon. Au début, nous les voyons se servir de la grande et lourde épée de fer, à pointe mousse, dont parle Polybe : on en trouvera quelques-unes à Saint-Germain qui sont belles et bien travaillées. Plus tard ils préfèrent la petite épée ibérique à pointe aiguë. Leurs chefs combattaient d’abord sur des chars ; cet usage, au temps de César, n’existait plus qu’en Bretagne. Ils portaient des casques étranges, de forme conique, dont on verra au musée un spécimen fort curieux. C’est celui qui a été découvert à Berru, dans le département de la Marne. Quand on l’a eu restauré, on s’est aperçu avec surprise qu’il ressemblait beaucoup aux casques des guerriers assyriens, dans les bas-reliefs de Ninive. Ceux des chefs gaulois étaient surmontés d’une couronne d’or appliquée à la main avec un soin infini. Ils avaient au cou des colliers ou torques, composés de pierres rares, et les agrafes ou fibules, qui accrochaient leur manteau, étaient des objets d’or d’un assez beau travail. Évidemment cette aristocratie était riche et fastueuse, et, en voyant ce qui nous reste d’elle, nous songeons à ce Luernius, roi des Arvernes, qui parcourait les campagnes sur un char plaqué d’argent massif en répandant l’or à pleines mains et autour duquel les bardes chantaient que « l’or naissait sous les pas de ses chevaux. »

C’est dans les tombes d’ordinaire qu’on découvre ces débris d’armes et de vêtemens : elles contiennent parfois des objets bien