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donnait être alors dans une triste situation, déchiré de rivalités intérieures ou vaincu par les ennemis du dehors. Cependant, malgré la misère générale, on faisait encore aux grands chemins les réparations indispensables, et ces pauvres princes tiraient quelque vanité de n’avoir pas tout à fait négligé ce que l’on regardait comme le principal intérêt de l’état et le premier devoir d’un souverain.

Un des moyens les plus efficaces dont usaient les Romains pour s’attacher les vaincus était de respecter leurs franchises municipales. On les empêchait de former une nation, mais dans leurs cités on les laissait libres. La dix-huitième salle du musée de Saint-Germain contient un certain nombre d’inscriptions qui concernent les municipes de la Gaula. Elles montrent de quelle manière ils faisaient eux-mêmes leurs affaires et l’importance qu’ils mettaient à l’élection de leurs magistrats. On se dira, en les lisant, qu’en vérité ce gouvernement qu’on ne connaît guère n’était qu’une combinaison bizarre de despotisme et de liberté, le pouvoir absolu régnant au centre sans contrôle, tandis qu’autour de la capitale et jusqu’aux extrémités du monde, les municipes jouissaient du droit de suffrage et s’administraient librement. Les libertés s’appellent l’une l’autre, avec le temps, l’indépendance des municipes devait amener celle de la province. La façon dont on parvint à la reconquérir semble d’abord assez surprenante. Le culte des Césars, qui, depuis Auguste, fut organisé dans tout l’empire, nous apparaît de loin comme la plus basse expression de la servilité ; ce fut pourtant presque partout un culte émancipateur ; il donnait l’occasion aux députés des villes de se réunir, de délibérer, de s’entendre, de former des assemblées qui représentaient le pays et qui finirent naturellement par obtenir une grande importance. M. Al. Bertrand a fait reproduire la célèbre inscription de Thorigny, où l’on voit que, vers le milieu du IIIe siècle, les députés de la Gaule, réunis auprès de l’autel de Rome et d’Auguste, s’attribuent le droit de blâmer le gouverneur de la province et même de le mettre en jugement. C’était empiéter audacieusement sur les privilèges du pouvoir central. C’est ainsi qu’au déclin de l’empire, quand le lien serré qui unissait les peuples semble près de se rompre, les nationalités vaincues qui s’étaient effacées pendant plusieurs siècles devant la domination romaine se réveillaient peu à peu et se préparaient à fermer des états distincts. A côté de ces monumens qui nous font connaître l’administration intérieure de la Gaule pendant l’empire, on a placé une reproduction par la galvanoplastie des tables de bronze de Lyon qui contiennent le discours prononcé par l’empereur Claude devant le sénat. Il s’agissait de savoir si l’on accorderait aux Gaulois le droit d’arriver dans Rome aux honneurs publics. Quelques conservateurs, imbus