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qu’il s’était faite en Angleterre. C’est dans les premiers jours de lévrier 1565 que lui parvint la lettre de Catherine. Sans perdre une heure, il sollicita une audience qui fut remise au dimanche suivant, 14 février. Elisabeth le reçut dans la salle de présence et s’excusa de ce retard sur une légère indisposition ; après quelques paroles insignifiantes échangées de part et d’autre, de Foix lui dit qu’il avait quelque chose de plus particulier à lui communiquer, mais qu’il désirait l’entretenir dans un lieu plus secret.

Elisabeth l’emmena dans sa chambre ; là, après quelques mots de préambule, il lui lut la dépêche qu’il avait reçue. Catherine, dans sa lettre, après force complimens sur les vertus et les grâces d’Elisabeth, se disait la plus heureuse des mères si de l’un de ses enfans elle avait une fille de sa bien-aimée sœur. Puis, connaissant bien toutes les exigences d’Elisabeth sur le physique, elle se hâtait d’ajouter : « qu’elle trouveroit tant au corps qu’à l’esprit du roi son fils de quoi la contenter. » En écoulant cette lettre fort inattendue, Elisabeth changea plusieurs fois de couleur. La lecture finie, elle remercia de Foix avec effusion du grand honneur que la reine mère lui faisait, soupirant toutefois de n’être pas plus jeune de dix ans. Elle regrettait une si grande différence d’âge ; elle en redoutait les inconvéniens et pour elle et pour le jeune roi ; elle risquait d’être bientôt délaissée, comme l’avait été sa sœur Marie par le prince d’Espagne. Paul de Foix chercha à la rassurer ; la reine mère savait très bien son âge et elle espérait d’elle de nombreux enfans. Mais, insistant, Elisabeth ajouta qu’elle aimerait mieux mourir que d’être méprisée et abandonnée ; du côté de ses sujets, elle n’avait à craindre aucune opposition, ils se conformeraient toujours à ses intentions, quoiqu’ils désirassent pourtant qu’elle épousât un Anglais ; mais en Angleterre, il n’y avait que le comte d’Arundel à qui elle pût se marier, mais il en était plus éloigné qu’il n’y a de distance de l’orient à l’occident. Quant au comte de Leicester, elle avait toujours estimé sa vertu, mais elle avait trop le sentiment de son honneur et de sa grandeur pour l’admettre et le souffrir comme son compagnon et son mari. Paul de Foix lui ayant demandé de tenir cette affaire secrète, elle répondit : « qu’elle avait assez fait preuve de savoir se taire au temps de la reine Marie ; si elle se fût en rien découverte, il lui en eût coûté la vie. » Elle demanda quelques jours pour réfléchir et lui promit de le faire appeler prochainement.

Elle consulta d’abord Cecil, son confident habituel. Le dogmatique et prudent ministre, pour plus de clarté, rédigea ses observations en latin : la première objection était relative à l’âge, celui de la reine étant le double de celui du roi ; la seconde concernait la succession : l’Angleterre pouvait un jour se trouver subordonnée