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Catherine la pressait trop ; l’entrevue de Bayonne ne devait avoir lieu que le 20 mai, il n’était donc pas nécessaire d’avoir une réponse avant le 12. Tous ces retards, toutes ces réserves tenaient à ce qu’Elisabeth attendait un ambassadeur de Maximilien ; qui venait de nouveau lui proposer la main de l’archiduc Charles. Il arriva en effet le 3 mai et se nommait Adam Swetkowitz ; il venait soi-disant pour rapporter les insignes de l’ordre de la Jarretière, dont feu l’empereur Ferdinand était chevalier.

Durant tout le mois de mai les pourparlers continuèrent ; aux mêmes objections de Foix opposait les mêmes répliques. Pour gagner du temps, Elisabeth élevait des doutes sur la sincérité de Catherine ; à l’entendre, en lui offrant son fils, elle ne voulait qu’écarter l’archiduc ; elle était dans le vrai ; toutes les deux jouaient leur jeu : Catherine traitait, dans le moment même, du mariage de Charles IX avec une des filles de Maximilien. Le cardinal de Lorraine en avait porté les premières paroles lors de son voyage à Inspruck, en 1563, et la réalisation de ce projet ne dépendait plus que de l’accueil que Philippe II y ferait.

De son côté, Elisabeth faisait semblant d’avoir pris en sérieuse considération la proposition de l’archiduc Charles. Norfolk, Sussex, ennemis de Leicester, l’appuyaient chaudement. Cecil avait de fréquentes entrevues avec Swetkowitz et lui avait même communiqué le contrat de mariage qui, dix ans auparavant, avait été passé entre la reine Marie et le prince d’Espagne. Elisabeth invitait Swetkowitz à dîner dans ses appartemens privés ; elle jouait du luth et de l’épinette devant lui, la plus haute marque de sa faveur. De Foix croyant la négociation sérieusement engagée, tint à s’en expliquer ; il profita d’une invitation qu’il avait reçue pour assister à un tournoi à Greenwich ; mais ce jour-là il ne put obtenir de la reine aucune réponse positive. Quelques jours plus tard, il lui en parla de nouveau. Cette fois elle affirma qu’elle n’avait donné aucune espérance à l’archiduc et, pour couper court, elle prétendit avoir reçu des lettres d’Espagne qui la prévenaient que le roi cherchait à prendre parti ailleurs ; elle avait tout dernièrement envoyé en France Somer, un des négociateurs de la paix signée à Troyes, en 1564 ; il devait rejoindre la cour à Bayonne ; elle manifesta le désir de l’attendre avant de donner, une réponse définitive ; mais dans ces paroles se trahissait de plus en plus un refroidissement marqué ; de Foix s’en rendit bien compte, mais toutefois sans en deviner la véritable cause. Tout en faisant si bon accueil à l’envoyé de Maximilien, Elisabeth ne pensait nullement à l’archiduc Charles, elle avait reporté toutes ses vues sur Leicester ; mais comment concilier cette nouvelle évolution avec la proposition que tout récemment elle avait faite à Marie