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auréole à ses cheveux fins et légers, donnant au jeune visage qu’ils encadraient l’expression d’une figure de sainte. C’était Nellie. Wilfred s’arrêta soudain, puis il ébaucha un mouvement de retraite, et elle s’en aperçut… Très émue, hésitante, elle faisait un pas vers lui, quand soudain avec un regard étrange, qui l’arrêta, pétrifiée, le jeune homme s’éloigna précipitamment.

Nellie appuyée à la balustrade sanglotait. Qu’avait-il contre elle ? Que pouvait-il lui reprocher ? Jamais il ne l’avait traitée ainsi. Était-ce parce qu’elle était venue au cimetière ? Elle avait cru pourtant qu’il serait bien aise de trouver des fleurs sur la tombe de son père.

— Il s’en va, répétait la pauvre enfant, il s’en va irrité contre moi, et je ne le reverrai plus !


XI.

Dans le courant de l’hiver, la jeune lady Frances, fille d’une ancienne amie de lady Athlestone, qui était descendue à Florence dans le même hôtel que cette dernière, écrivait à miss Sylvia Brabazon des lettres très significatives dont voici quelques fragmens :

« Je voudrais, chère, pouvoir vous peindre lord Athelstone. Il me fait l’effet d’un héros admirablement ébauché en marbre par un sculpteur habile qui aurait manqué de matériaux pour achever son œuvre. D’abord il est trop petit (étant moi-même une naine, j’aime les géans, cela va sans dire), mais il a une belle tête et une physionomie parlante, dont l’expression, à moins qu’on ne l’ennuie, est singulièrement agréable ; sa voix, ses manières sont séduisantes, et surtout il diffère de tous les autres jeunes gens. Je crois qu’il se plaît avec nous ; bien que nous ne nous connaissions que depuis huit jours, nous sommes amis intimes déjà. Naturellement le grand deuil de lady Athelstone l’empêche de se montrer nulle part, de sorte que son fils, jusqu’à notre arrivée, ne voyait personne ; quoiqu’il parle beaucoup et fort bien des délices de la solitude, il ne refuse jamais de se joindre à nos promenades, et certainement il paraît plus gai que lorsque je l’ai rencontré une première fois en cherchant qui pouvait bien être ce sombre personnage semblable à Manfred. Sa conversation me ravit et quelquefois me déconcerte, mais je pardonne tout à l’originalité… C’est un poète, ma chère, un poète de l’école moderne la plus avancée, j’imagine, car on ne me laisse rien lire de lui. Pourtant ce qu’il écrit, à en juger par ce qu’il dit, ne saurait manquer de mérite… Mais je m’arrête,.. autrement je ne sais ce que vous penseriez de votre absurde et fidèle


« FRANCES. »