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intégrité : «… par une amie. Mgr l’archevêque de Cambrai sait bien faire dire encore aujourd’hui à Rome qu’à peine il connaît Mme Guyon. Quelle conduite ! à Rome, il rougit de son amie ; en France, où il n’ose dire qu’elle lui est inconnue, plutôt que de laisser flétrir ses livres, il en répond et se rend garant de leur doctrine. » Il n’est pas besoin de s’y reprendre à deux fois pour voir que ce que Bossuet incrimine, à tort ou à raison, je n’en sais ni n’en veux rien savoir pour le moment, c’est la duplicité de Fénelon. Comment ! lui dit-il, ici, en France, toutes les difficultés entre nous viennent de ce que vous ne pouvez pas consentir à diffamer votre amie ! et cependant, à Rome, vous faites publier par vos agens qu’elle vous est inconnue ! Mais, en vérité, quel personnage tenez-vous donc ? Est-elle ou n’est-elle pas votre amie ? Si elle est votre amie, pourquoi la reniez-vous à Rome ? et si elle ne l’est pas, que signifie ce refus d’accommodement par peur de diffamer votre amie ? Le lecteur demandera maintenant pourquoi le mot amie est souligné ? La réponse est facile. Il est souligné comme sont soulignés, dans le même paragraphe, les expressions se diffamer, un monstre sur la terre, être brûlée avec ses livres, et comme généralement, dans la Relation, les propres expressions de Fénelon partout où Bossuet les cite. C’est ce que nous faisons tous, et, notamment, c’est ce que faisait M. Guerrier tout à l’heure, quand il soulignait les mots, un livre séduisant, qui ne sont soulignés ni dans l’édition originale, ni ailleurs.

Veut-on un autre exemple de la singulière liberté dont M. Guerrier en use avec les textes quand il croit pouvoir leur faire dire quelque chose de défavorable à Bossuet ? On lit, dans une lettre de Mme de Maintenon, du 9 janvier 1696, adressée à M. de Noailles, archevêque de Paris : « Le roi m’a dit dès qu’il m’a vue, ce qui s’était passé entre vous et ce qu’il dira demain à M. de Meaux… Il était tout scandalisé du procédé de M. de Meaux, et me parut bien aise de ce que vous ne romprez point l’un avec l’autre. » M. Guerrier cite la phrase : « Il était tout scandalisé du procédé de M. de Meaux, » et sans balancer, en fait application à l’affaire de Mme Guyon. Or non-seulement rien ne prouve que ce soit ici de Mme Guyon qu’il s’agisse, mais tout semble indiquer, et plus particulièrement ce dernier membre de phrase : « Il me parut bien aise de ce que vous ne romprez point l’un avec l’autre, » qu’il s’agit du titre de conservateur des privilèges de l’université de Paris, que M. de Noailles et Bossuet se disputaient, ou plutôt s’étaient disputé. Mieux encore. On lit, dans une autre lettre de la même au même, datée du 25 septembre 1696 : « En envoyant à M. de Meaux, il y a deux jours, le paquet d’une dame de Saint-Louis, je lui mandai qu’on pensait à mettre Mme Guyon auprès du curé de Saint-Sulpice. Nous n’aurons pas là-dessus son approbation ; mais pour moi je crois devoir penser comme vous le plus possible. » Tel est le texte donné par M. Lavallée, d’après l’autographe