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prétendaient pouvoir les allier sans inconvénient à la foi hébraïque. Lorsque Cyrus autorisa la reconstruction du temple de Jérusalem, elles réclamaient leur admission dans la communauté juive. Leur demande ayant été repoussée par les chefs des Juifs, elles en conçurent une telle colère qu’elles résolurent d’employer tous les moyens pour empêcher la restauration de ce temple d’où on les bannissait.

Il ne fallait pas songer à obtenir le retrait de l’édit de Cyrus qui permettait de le réédifier ; mais en usant de voies de fait, en attaquant sans cesse les ouvriers, en opposant mille entraves aux travailleurs, on pouvait peut-être arrêter l’ouvrage ou du moins le suspendre pour longtemps. Cette manœuvre réussit. A la mort de Cyrus, les administrateurs du pays de Samarie envoyèrent une supplique à son successeur pour accuser les Juifs de rétablir les fortifications de Jérusalem, cité rebelle, affirmaient-ils, dans laquelle de tous temps on avait tramé des conspirations, ce qui avait rendu sa destruction nécessaire à la paix générale. Cambyse pourrait s’en convaincre en faisant faire des recherches dans les archives. « Nous informons le roi, disaient-ils en terminant, que, si cette ville est rebâtie et ses murailles rétablies, il n’aura plus de part à ces contrées en deçà du fleuve de l’Euphrate. » Cette dénonciation fut écoutée ; Cambyse ordonna la suspension des travaux du temple. Telle fut l’origine de la haine violente des Juifs contre les Samaritains. Mais il ne suffisait pas à ces derniers de combattre le culte de leurs voisins, ils voulaient aussi en avoir un qui leur fût propre, et voici en quelles circonstances ils réalisèrent leur désir. Manassé, frère du pontife Iaddoua, avait épousé Nicaso, fille du Samaritain Sanabalat, satrape du dernier Darius dans le pays de Samarie. Le grand prêtre et le peuple, également indignés de ce mariage, mirent Manassé dans l’alternative de quitter sa femme ou le sacerdoce. Plus ambitieux qu’amoureux, Manassé, tout en protestant de son attachement pour Nicaso, manifesta à son père l’intention de la répudier, afin de n’être pas privé des droits sacerdotaux qu’il plaçait au-dessus de tout. Désirant retenir son gendre auprès de lui, Sanabalat promit à Manassé d’obtenir du roi Darius la permission d’élever sur le mont Garizim, près de Sichem, un temple rival de celui de Jérusalem, dans lequel il exercerait à son gré les fonctions de grand-prêtre. Ce projet combla les vœux de Manassé, qui devint le fondateur du culte samaritain. Comme Sichem était, ainsi que je viens de le dire, le rendez-vous d’une population mixte composée de colons assyriens, d’anciens Éphraïmistes, de Juifs exclus de la communauté de Jérusalem, beaucoup d’élémens étrangers se mêlèrent à la nouvelle secte ; les pratiques idolâtres dont on accusait