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les académiciens de la Nouvelle-Zélande discuter péniblement les narrations des premiers navigateurs qui, au sujet de leur patrie, ont parlé de déserts, de sauvages, d’absence de tous les animaux utiles à l’homme. Le rêve de notre célèbre marin ne sera point réalisé par les Néo-Zélandais, et ce n’est plus son rêve dès qu’il s’agit d’une civilisation européenne transportée dans cette partie du globe.

Doublant le cap Oriental, en ce mois de février où le navigateur de l’hémisphère austral compte sur de beaux jours, au calme succédèrent de violons orages et d’affreuses tempêtes. Au passage, on salue le cap Runaway, morne arrondi, ne tenant à la terre que par un isthme tout étroit, mais demeuré célèbre par la narration de Cook ; on entrevoit par momens l’île Blanche à travers les colonnes de fumée qui l’enveloppaient ; — le commandant apprendra plus tard que l’île est un petit volcan en perpétuelle éruption[1]. Dans la baie de l’Abondance, on reconnut l’île Moto-Houra, cône superbe, immense, régulier, boisé, d’aspect vraiment imposant. Tout à coup la mer devint furieuse, la brume dérobant aux yeux toute terre ; l’Astrolabe, menacée de s’ouvrir sur les récifs, plusieurs fois officiers et matelots durent penser à leur dernière heure. Une manœuvre habile et audacieuse sauva le bâtiment ; la perte fut pour le relevé qui s’exécutait sur la côte. Peu de jours après, la corvette française se trouve devant les nombreuses îles éparpillées à l’entrée de la baie d’Houraki, d’un effet si pittoresque que tous les regards s’y attachent. Il y avait beaucoup à travailler pour dresser exactement la carte de ces parages.

Étant à la baie d’Houraki, le commandant de l’Astrolabe se mit en relations avec plusieurs des chefs qui soutenaient une guerre incessante contre les tribus du Nord. Un de ces hommes racontait avec emphase ses prouesses, se vantant bien à tort d’avoir tué et mangé Pomaré, l’un des chefs redoutables de la baie des Iles ; comme trophée de sa victoire, il montrait la tunique écossaise prise à son ennemi. Apprenant de M. d’Urville la présence à Wangari, situé à peu de distance, du chef de la tribu de Pahia, il baissa le ton et se montra inquiet. Nos officiers eurent l’occasion de s’entretenir avec tous les principaux guerriers qui avaient déjà soutenu de terribles assauts contre le farouche Hongi, de la baie des Iles ; aussi, pour ces hommes, un fusil était un objet d’un prix inestimable ; s’agissait-il d’obtenir une arme de ce genre, chaque Néo-Zélandais livrait ce qu’il regardait comme son bien le plus précieux.

Pendant la relâche devant la rivière Mogoia, le lieutenant de vaisseau Lottin poursuivit avec un soin extrême la reconnaissance de la configuration du littoral et s’assura que Te-Ika-a-Mawi est

  1. L’île Pouhia-Wakadi des Néo-Zélandais.