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approcha de cette île, qui appelle l’intérêt, comme on en jugera par la suite ; un jeune officier fut expédié dans un canot pour la visiter. La côte est défendue par une ligne de récifs, et, dans une ouverture, le ressac était si haut et si violent qu’il fallait à l’officier, M. Eld, et au quartier-maître qui l’accompagnait, des efforts répétés pour parvenir à s’élancer sur le rivage. Ce qui frappe, étonne, stupéfie l’explorateur, c’est l’immense population d’oiseaux qui habite les rochers. « J’avais beaucoup entendu parler, s’écrie M. Eld, de la quantité d’oiseaux répandus sur les terres inhabitées, je n’étais cependant point préparé à en voir de telles myriades. Tous les flancs des collines en étaient littéralement couverts. » Le marin, ayant escaladé une cime qui semblait conduire au principal repaire des bêtes emplumées, son étonnement s’accroissait à chaque pas. C’était un babillage ininterrompu, un ramage assourdissant, de furieux croassemens, un mélange de cris aigus et perçans ; en un mot, un vacarme effroyable comme personne ne saurait l’imaginer. Il était impossible de s’entendre parler; dans les groupes de ces oiseaux, chacun paraissait exciter les autres à faire le plus de bruit possible. La présence du visiteur les importunait, et bientôt ils s’ameutèrent contre lui. On s’empara de quelques manchots[1], et l’on vit des perruches vertes ornées de taches pourpres sur la tête. L’île Macquarie, haute, très accidentée, est couverte de végétation; mais, sur le littoral, le jeune officier de l’expédition américaine n’a observé qu’une grande herbe en masses touffues, et il croit que, sur le plus haut pic, il n’existe point d’arbres, pas même de buissons.

Au retour de la campagne à travers les glaces, la flottille du capitaine Wilkes apercevait, le 5 mars 1840, les îles Auckland, îles sauvages, sombres, pittoresques, et deux jours plus tard elle mouillait à la baie de Sarah’s-Bosom. La terre principale, ressort des baleiniers dans les mois d’avril et de mai, fut explorée par un jeune chirurgien, le docteur Holmes ; il trouva la partie occidentale vraiment impénétrable, tant les buissons et les jeunes arbres étaient enchevêtrés les uns dans les autres. Près de l’aiguade, une case commode demeurait debout; à peu de distance, il y en avait une autre en ruines et à côté la tombe d’un marin français, surmontée d’une croix en bois où se lisait le nom du mort. Les vestiges de l’existence accidentelle ou du trépas de quelques hommes, sur une île déserte, font toujours impression chez ceux qui passent. On remarquait en un endroit de la baie un jardin à l’abandon, qui, néanmoins, excitait l’intérêt; nos plantes potagères se montraient sous une belle apparence; on pouvait croire qu’elles se répandraient sur une portion de l’île. Au moment où appareillaient les vaisseaux du

  1. Les oiseaux que les navigateurs appellent improprement des pingouins.