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d’observations météorologiques. Rien n’invitait aux excursions ; les sentiers à travers bois et marais étaient presque impraticables en l’absence de guides, et personne à ce moment ne jugeait prudent à des Européens de se fier aux insulaires. M. James Ross, invité par le révérend Taylor, à visiter l’établissement agricole de Waimata, se mit en chemin le 1er novembre en compagnie du capitaine Crozier, commandant du Terror, et de deux autres officiers. Dans la rivière Keri-Keri, on eut beaucoup à lutter contre le vent, mais par le secours de la marée montante, on aborda heureusement près de la station des missionnaires. Là, dans un endroit où les arbres fruitiers forment des ombrages, se dresse une solide construction en pierres. Le maître d’école, M. Kemp, s’empressa d’engager les marins à voir les chutes. C’est un petit trajet à parcourir, et la première impression est bien saisissante en présence du rapide torrent que l’œil suit dans ses ondulations à travers la plaine tombant tout à coup d’une grande hauteur dans une vasque énorme. Si par un sentier on descend jusqu’au bord du bassin, la chute contemplée d’en bas apparaît dans toute sa magnificence.

De Keri-Keri, on s’achemine vers le lac Mapere et Waimata. Les matelots suivaient, parlant bateau et instrumens de pêche. C’était une petite caravane, d’aspect sans doute un peu grotesque, que les naturels regardaient avec surprise. Il y avait une véritable route seule encore à la Nouvelle-Zélande ; elle avait été construite par les missionnaires pour relier leurs deux principaux établissemens. On monte et bientôt on se trouve sur un plateau. Autrefois, c’était une immense forêt de superbes conifères ; aujourd’hui, c’est l’espace nu, stérile, désolé ; pour rendre la circulation plus facile, le feu a fait son œuvre. La population indigène est paisible, et les officiers anglais ne soupçonnent guère dans les hommes qu’on croirait fort éloignés de toute préoccupation malveillante les combattans que Heki opposera plus tard aux forces britanniques dans son pah jusqu’alors jugé imprenable[1]. On aperçut Waimata de la distance de 4 milles à l’instant même où l’on atteignait la plaine que sillonne la rivière. A peine a-t-on passé l’eau sur un pont de bois qu’un édifice bizarre s’offre à la vue. C’est un ensemble de terrasses ou de pates-formes superposées ayant plus de 30 mètres de hauteur. On avait élevé cette étrange construction pour une fête que donnait le fameux Heki appelant les Maoris de tous les points de l’île, afin de les dissuader de vendre des terres aux étrangers.

Une fois la rivière franchie, on est frappé du changement dans la nature des terrains. A l’argile stérile succèdent les matières volcaniques en décomposition. Dès qu’on gravit la colline de l’autre côté

  1. Situé à 4 ou 5 milles de Waimata.