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transaction dont M. Gladstone a été l’heureux négociateur, et ce n’est pas sans un certain plaisir que la reine a constaté ce résultat. Il reste maintenant à appliquer ce bill qui, dans tous les cas, est une libérale réforme, un évident bienfait pour l’Irlande.

Deux points, dans le dernier discours de la souveraine du royaume-uni, vont un intérêt particulier pour la France, parce qu’ils touchent aux relations des deux pays. En dépit de tout ce qui a été tenté pour soulever les susceptibilités anglaises contre notre expédition tunisienne, la reine Victoria n’hésite pas à déclarer qu’après les communications échangées entre les deux gouvernemens, l’Angleterre doit se tenir pour satisfaite des assurances qu’elle a reçues de la république française, elle parle sans défiance et dans son langage visiblement calculé, elle fait même une distinction qui a sa portée, entre la régence de Tunis, où l’Angleterre n’a que des traités particuliers à sauvegarder, et la régence voisine de Tripoli, qu’elle décore spécialement du titre de province de l’empire ottoman. Elle semble ainsi trancher cette question tant controversée de la situation internationale des territoires tunisiens. Il n’en faut pas conclure qu’un gouvernement qui représente une nation aussi jalouse que fière cesse de suivre d’un œil attentif ce qui se passe dans cette région de l’Afrique, dans cette partie des côtes méditerranéennes : cela signifie simplement que l’Angleterre, sous le ministère libéral de M. Gladstone, n’est pas disposée à faire dépendre l’intimité de ses relations avec la France d’une intervention qui avait été d’ailleurs prévue et à peu près approuvée au temps du ministère de lord Salisbury et de lord Beaconsfield, Un autre point du dernier discours royal de Westminster a son importance pour nous. La reine Victoria dit que les négociations relatives à un traité de commerce entre les deux pays ont été récemment « suspendues, » mais que, « pour plus d’une raison, » elle appelle de ses vœux, elle secondera de ses efforts la conclusion d’un traité qui doit accroître les rapports des deux nations, — « à l’amitié intime desquelles, ajoute la reine, j’attache une si grande importance. »

La vérité est qu’il a du malheur, ce traité qu’on se propose toujours de négocier et qui semble toujours fuir. Depuis près de dix ans, nos relations commerciales sont entrées dans ce qu’on peut appeler une phase d’incertitude, un provisoire indéfini. Les traités qui ont suivi et consacré la révolution ou la semi-révolution économique de 1860 ont été successivement dénoncés, puis prorogés d’année en année, en attendant une solution sans cesse ajournée. Récemment, dans la dernière session, les chambres françaises ont discuté, adopté un nouveau tarif général des douanes, et le moment semblait enfin venu de reprendre avec plus de précision des négociations destinées à fixer les conditions essentielles de notre régime commercial. Elles ont été, en effet, rouvertes, il y a peu de temps, ces négociations : puis voici qu’elles sont