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la Belgique pour l’heure où se produiraient de nouveaux faits en Allemagne : le passage de la ligne du Mein[1]. »

Après ses entretiens avec l’ambassadeur de Prusse, l’empereur fut plus que jamais convaincu que la politique de pondération préconisée par M. Drouyn de Lhuys avait décidément fait son temps, qu’elle ne lui avait valu en le détournant de ses tendances personnelles que d’amères déceptions et qu’il était urgent de revenir aux idées que le chef de sa maison développait à Sainte-Hélène. Il arrêta les bases de la politique des grandes agglomérations et transmit à M. Drouyn de Lhuys un projet de note en la priant d’en développer les idées sous la forme d’une circulaire diplomatique. C’était lui demander de faire table rase de toutes ses convictions passées et de s’assimiler un programme qui leur était radicalement opposé. Il refusa de s’y prêter. Il était démissionnaire depuis le 20 août et ce n’était que par un sentiment de gratitude pour l’empereur, qui venait de le nommer membre de son conseil privé, qu’il avait consenti à garder par intérim son portefeuille, tant qu’on ne lui aurait pas trouvé de successeur. Le choix d’un nouveau ministre, dans de pareilles circonstances, n’était pas aisé. Notre diplomatie n’était ni préparée ni résolue à interpréter le programme qu’on se disposait à inaugurer, et d’ailleurs une succession chargée d’aussi lourdes responsabilités n’était guère enviable. On s’adressa à M. Benedetti ; son mérite, ses sympathies pour la cause italienne, et la part active qu’il avait prise aux derniers événemens le désignaient en quelque sorte comme le représentant le plus autorisé d’une alliance étroite entre la France, l’Italie et la Prusse. Mais il déclina l’honneur qu’on voulait lui conférer.

Le pouvoir avait peu d’attrait pour lui. Peut-être aussi espérait-il relever notre politique des échecs qu’elle avait subis. Le dernier entretien qu’il avait eu au commencement de septembre avec le président du conseil nous permettait en effet d’espérer que si la partie trop légèrement engagée avec le gouvernement prussien, sur de fausses combinaisons et sans s’être prémuni contre les retours de la fortune, était compromise, elle n’était pas encore irrévocablement perdue. M. de Bismarck, en beau joueur, était venu à la dernière heure nous offrir de la reprendre dans les meilleures conditions de succès, avec une spontanéité démonstrative qui ne pouvait laisser aucun doute sur son désir de nous réconcilier avec les événemens.

On se rappellera peut-être[2] que M. Benedetti, après le refus du gouvernement prussien de nous céder Mayence et le Palatinat, avait

  1. Papiers de Cercey.
  2. La Politique française en 1866. Voyez la Revue du 1er  novembre 1878.