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affection toute paternelle, voudrait bien s’employer à obtenir pour lui une des parentes du roi de Pologne d’un âge plus convenable. Telle était la situation et l’état des esprits au moment où Smith arrivait à Amboise, le 1er  janvier 1572 ; il était accompagné par Henri Killegrew, qui momentanément remplaçait Walsingham, assez gravement malade.

Castelnau de Mauvissière avait été envoyé à leur rencontre, et Tristan de Rostaing les attendait à l’arrivée pour les conduire au logis que le roi leur avait destiné. Le lendemain, Paul de Foix vint rendre visite à Smith. Sa première parole fut pour lui demander s’il avait sollicité son audience. Smith répondit qu’il était bien inquiet du résultat de sa mission, et qu’avant tout il était désireux de savoir quel était le point délicat, quel était l’obstacle. De Foix lui dit que le duc se tenait toujours ferme sur la question religieuse. —-Smith répliqua que, si c’était un prétexte, ce serait des deux côtés le moyen le plus honorable d’en sortir ; qu’il ne pensait pas pourtant que ce fût le dernier mot, et qu’il n’était pas pressé de demander audience, voulant avoir le temps de s’aider de Coligny et du maréchal de Montmorency. De Foix, après avoir bien laissé parler Smith, revint sur l’obstination du duc, qui était comme affolé sur l’article de la religion, et lui conseilla de presser la négociation du mariage avant l’arrivée du cardinal Alexandrin, qu’on attendait d’Espagne et qui ferait tout au monde pour l’entraver. Smith reprit que, s’il s’apercevait que le duc fût ainsi buté, il partirait sur-le-champ pour sauvegarder l’honneur de sa maîtresse. La conversation en resta là ; mais Smith sut par d’autres sources, que la religion du duc, après s’être d’abord fixée sur Mlle de Châteauneuf, s’était portée sur une autre. Tel fut son étrange langage. Il apprit aussi que les Guise et ceux de l’entourage du duc, intéressés à ce qu’il ne quittât pas la France, cherchaient à l’effrayer sur les dangers qui l’attendaient en Angleterre, en raison de la haine de tous les Anglais contre les Français. Selon eux, il valait mieux être le maître en France, avec le titre de lieutenant-général, que le sujet de la reine Elisabeth, et le second en France que le second en Angleterre. Les catholiques, ne cessant de lui répéter qu’il y laisserait son honneur, lui proposaient de le faire duc des Flandres ou roi de Naples, ou bien encore chef sur terre de la ligue catholique, comme don Juan d’Autriche l’était des forces maritimes. Il y avait Là de quoi séduire le duc, et Walsingham l’en excusait.

Smith se décida pourtant à demander une audience ; elle lui fut accordée pour le 6 janvier. Il y avait ce soir-là bal à la cour. Catherine le reçut dans sa chambre ; Charles IX, seul, était présent. La première, elle prit la parole et lui affirma que l’unique cause de la