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question à une analyse rigoureuse que le temps a depuis amenée, on aurait été frappé avant tout de deux considérations sur lesquelles il faut bien que nous insistions en peu de mots, car en définitive elles donnent la clé de tout le reste.

Les vestiges qui relèvent des temps quaternaires ne sont pas uniquement des matériaux confusément accumulés çà et là par des eaux violentes et désordonnées. Avec un peu d’attention, il devient facile de les distribuer en plusieurs catégories, et chacune de ces catégories dépend d’une cause génératrice déterminée et spéciale. Il ne saurait donc être question d’un phénomène unique, encore moins d’un cataclysme ayant pour caractère l’universalité. Expliquons notre pensée : à côté des blocs erratiques, anguleux et certainement transportés, d’autres formations moins énigmatiques viennent également se ranger dans le quaternaire, dont elles font incontestablement partie. Ce sont en premier lieu des boues, des binons, des sédimens mêlés ou dépourvus de gravier, empâtant des débris, les uns usés ou polis, les autres anguleux, qui plus tard ont reçu les divers noms de boulder-clay, limon gris, limon rouge, drift, lehm, etc., tantôt épars, sans cohésion ni stratification, mais, ailleurs et sur d’autres points, pouvant revêtir l’aspect d’assises puissantes, régulièrement stratifiées, riches en mollusques et en ossemens caractéristiques de grands animaux.

Ce sont aussi de vastes tourbières ou, comme à Utznach et à Durnten, en Suisse, de vrais lits de combustible lentement accumulés, dans un calme profond, à l’abri de plusieurs générations d’arbres forestiers se remplaçant peu à peu.

Ce sont encore des tufs, c’est-à-dire des concrétions formées sous l’influence des eaux jaillissantes, ruisselant sur le sol avec une abondance extrême, déposant le calcaire dissous et moulant une foule d’objets mis à leur portée avec une fidélité et un fini qui supposent la plus parfaite tranquillité extérieure.

Ce sont des cavernes à ossemens, c’est-à-dire des cavités souterraines, que les eaux quaternaires, soit celles des pluies, soit celles des cours d’eau au moment des grandes crues, envahissaient, en y accumulant avec leur limon les débris de tous les animaux charriés par elles. Des infiltrations suintant des parois venaient ensuite consolider ces délaissemens, les durcir, et souvent les recouvrir d’un manteau de stalactites.

Enfin, ce sont des graviers fluviatiles, disposés en nappes étendues, en terrasses et en plateaux, distincts des graviers modernes, puisque nos faibles courans demeurés en contre-bas ne sauraient y atteindre ou s’en sont écartés depuis une époque trop lointaine pour que le souvenir en soit resté. Cependant ces formations sont trop