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analogues par leur composition aux graviers, aux sables et aux lits de cailloux roulés actuels pour ne pas accuser la même origine.

Les choses se passaient donc dans le quaternaire comme de nos jours, toutes proportions gardées. Il y avait des tourbières, des lagunes, de grands fleuves ayant leur régime, leurs apports, leurs crues annuelles, leurs dépôts d’embouchure. Les cours d’eau entraînaient des débris, les accumulaient sur certains points et, partout où pénétraient ces eaux, les résidus qu’elles poussaient ont pu se rendre et s’amonceler. Il y avait aussi des sources pures et abondantes, entourées d’arbres, fréquentées par des animaux de toutes sortes, par l’homme aussi, nous le verrons plus tard. C’est là un ordre de choses parfaitement régulier, tout à fait normal, les fleuves étant beaucoup plus puissans, si l’on veut, les sources plus jaillissantes, les tourbières plus vastes, les animaux eux-mêmes plus redoutables et plus forts, l’homme en revanche plus faible et plus isolé. Mais cette nature, prise dans son ensemble, était calme et persévérante dans son énergique variété; elle nourrissait une foule d’êtres et voyait foisonner la vie de toutes parts. Le quaternaire, en un mot, ne saurait être ce théâtre, doté par l’imagination de décors fantaisistes, que les soi-disant courans diluviens sillonnaient incessamment, ravinant le sol, perçant les vallées, comblant les plaines, faisant dominer la violence et succéder déluges sur déluges. Ceux qui traçaient de pareils tableaux, sous l’influence inconsciente peut-être d’un préjugé religieux, se laissaient guider encore par les résultats d’un examen superficiel des formations et des phénomènes; mais il est juste d’ajouter que cette conception, si exagérée qu’elle paraisse, leur a été suggérée par une circonstance qui s’applique au terrain quaternaire et qui ne pouvait guère s’appliquer qu’à lui dans la série immense des étages successifs. Ce sera pour nous la seconde des considérations préliminaires que nous avions en vue.

En effet, il est nécessaire de le répéter, le quaternaire est le plus récent, le plus élevé par cela même et le seul réellement superficiel de tous les termes qui composent l’échelle des terrains sédimentaires. Cette échelle, rigoureusement graduée, part du silurien, qui en est le plus bas échelon, pour aboutir supérieurement à ce qu’on nomme le pliocène ou étage tertiaire récent, qui passe au quaternaire presque insensiblement. C’est à raison même de sa nouveauté que ce dernier terrain garde à peu près intacts les vestiges de tous les effets dus à l’action des eaux à la surface du sol. Remarquons-le, à quelque âge que l’on se transporte par la pensée, si on laisse de côté les êtres vivans pour ne considérer que les élémens physiques et matériels, il s’en trouvera parmi eux de purement inertes, comme les roches, mais il n’en sera pas de même