Page:Revue des Deux Mondes - 1881 - tome 47.djvu/352

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’Agassiz, de Lyell, de Nordenskiöld, etc., qui marchèrent à l’assaut de l’ancienne doctrine, qui, elle aussi, trouva des défenseurs attardés ou des auxiliaires obstinés dans Elle de Beaumont, qui résista jusqu’à la fin, dans Durocher, dont nous avons parlé plus haut, dans Léopold de Buch, le compagnon de Humboldt? Celui-ci, maintenant le système des courans diluviens, évalua jusqu’à leur rapidité, qui avait été, selon lui, de l9,460 pieds cubes par seconde ; il croyait expliquer leur présence et leur force irrésistible en faisant intervenir la chaîne granitique du Mont-Blanc, subitement soulevée et soulevant par contre-coup les eaux de la mer. MM. Faisan et Chantre ont résumé en quelques pages animées ce débat contradictoire, au bout duquel la vérité, comme toujours triompha, mais en entraînant, il faut le dire, à des exagérations parfois regrettables ceux qui en furent les premiers champions. La contestation des faits les plus légitimes et les mieux prouvés, obligea les « glaciéristes » de les faire ressortir, et porta certains d’entre eux à trop généraliser, dans son principe aussi bien que dans ses conséquences, le phénomène de l’extension des anciens glaciers. L’âge correspondant à cette extension devint pour eux la période « glaciaire, «puis celle « du froid glaciaire. » Ce fut dans leur pensée la glace envahissant notre contaient ou, pour mieux dire, notre hémisphère tout entier, faisant tout périr, régnant exclusivement sur des solitudes désolées, peuplées uniquement de rennes, de marmottes, d’animaux hibernans, déplantes alpines ou polaires. Cette destruction presque complète des êtres vivans nécessitait une nouvelle création, bientôt suivie de l’apparition de l’homme. Agassiz, esprit remarquablement actif, mais entier, et théoricien résolu, se fit le propagateur de ces idées aussi extrêmes que celles qu’il avait contribué à renverser ; il crut les avoir étayées de preuves irrécusables. Nous reviendrons peur les combattre sur les opinions d’Agassiz et de ceux qui l’ont suivi ; mais voyons maintenant, en consultant MM. Faisan et Chantre, ainsi que le livre anglais de M. Geikie, en quoi consiste la théorie glaciaire. Après cette définition, nous serons plus à l’aise pour en critiquer les côtés excessifs en la ramenant à des limites raisonnables, en concordance parfaite avec les notions tirées des autres parties de la science.


II.

La base solide sur laquelle s’appuie l’édifice entier de la théorie glaciaire n’est autre que l’étude raisonnée des glaciers actuels. C’est en se rendant compte du mode de formation de ceux-ci, de leur marche et des conséquences de cette marche que l’on a réussi