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à expliquer ce qui paraissait d’abord énigmatique et ce que l’on attribuait originairement à une force inconnue et prodigieuse dans les phénomènes anciens. en un mot, grâce à cette étude, les rêves de l’imagination ont fait place à la simple réalité. Il serait cependant bien long de reprendre ici, pour en exposer le mécanisme, tout ce qui concerne les glaciers. Non-seulement l’espace n’y suivrait pas, mais pour être complet il faudrait revenir en arrière et imiter les auteurs qui nous servent de guides, en montrant à quel point l’ignorance où l’on était, lors des premières recherches, de ce qu’était un glacier, augmentait les difficultés de la question. Même en admettant l’assimilation des matériaux et des indices respectifs, en reconnaissant comme évidente par conséquent l’intervention des glaciers quaternaires dans la formation erratique, on n’avait pas atteint le but, il fallait encore expliquer et définir les lois qui président à la constitution même des glaciers, et il se trouva que ce phénomène, assez peu compris jusqu’alors, était justement des plus complexes dans ses effets, des moins saisissables au premier abord dans ses causes immédiates de tous ceux qui se manifestent encore sous nos yeux. Il a fallu des années, et en définitive on a dû recourir aux déductions les plus délicates de certaines lois physiques pour atteindre à une solution.

Assurément, si les glaciers n’eussent pas fonctionné sous nos yeux, hypothèse concevable puisque la plupart ne sont que des résidus de ceux d’autrefois ; — si un examen suivi et minutieux de leurs procédés n’avait pas été possible, jamais l’esprit humain, si subtil qu’on le suppose, n’eût été capable de découvrir et de reconstituer ces procédés à l’aide de leurs vestiges seulement. C’est là ce qui justifie l’étrangeté des hypothèses soulevées à l’origine par l’aspect du terrain erratique, à une époque où l’étude des glaciers actuels était elle-même dans l’enfance. — En gros, et pour tout condenser en quelques lignes, l’origine d’un glacier doit être cherchée dans la neige des hauts sommets, qui se condense à mesure qu’elle s’accumule et se convertit en glace par la pression combinée avec le gel et le dégel successifs des parties superficielles. Elle tend alors à descendre par un mouvement continu, variable selon les circonstances, qui imprime à l’ensemble du glacier, bien qu’avec une lenteur incomparablement plus grande, la marche et les allures d’un véritable fleuve, suivant les pentes à son exemple, coulant comme lui dans le fond des vallées, ayant de plus la faculté de remonter les talus anticlinaux pour s’épancher de nouveau après les avoir dépassés. Cette faculté de se mouvoir et de se mouvoir régulièrement dans une mesure déterminée, proportionnelle à l’inclinaison du sol sous-jacent, a été diversement expliquée. On a